Le groupe Radio Elvis s’impose de plus en plus comme un groupe branchouille qui pèse sur la scène rock française. Ils commencent à dépasser leur place underground pour se faire connaître un peu plus, comme en témoigne leur place sur la playlist France Inter (Eh oui m’sieur-dame). Derrière leur apparence d’étudiants en art parisiens, on découvre des garçons sages voulant faire au mieux leur rock aux influences psyché. J’ai donc rencontré Pierre (chant et guitare), Colin (batterie et claviers) et Manu (guitare).

 

 

PEDROMADAIRE : Vos chansons sont très poétiques. C’est important pour vous cet aspect là ?

Pierre : C’est hyper important. Notre démarche à la base, c’est de créer du beau. Après qu’il y ait des textes en français, en anglais, peu importe. L’important, c’est que ça sonne et que ce soit joli. La poésie, ce n’est, ni plus ni moins, que de la beauté. Organiser les mots et les sons pour créer du beau. Même dans la noise, à leur manière, ils trouvent ça beau puisque c’est leur esthétique aussi.

P : Vous arrivez à rester sur la même longueur d’onde ?

Colin : Bah on essaye de rester sur la même longueur d’onde. On est obligé.

Pierre : En fait, au début, on ne l’était peut être pas trop même si on avait les mêmes ambitions et une envie commune. On s’entendait bien, on avait pas forcément les mêmes influences. On se retrouvait autour de la chanson française, du rock. Quand je dis chanson française, je parle plus de musique avec des textes en français, à la Bashung par exemple. Maintenant, on est encore plus sur la même longueur d’onde puisqu’on a beaucoup tourné et on a passé beaucoup de temps ensemble dans le van à écouter les mêmes choses. Et c’est vrai maintenant que quand on retourne en studio tous ensemble, on a un son de groupe très fort avec le même vocabulaire musical.

Nous, on fait des concerts un peu partout en France, mais l’intérêt de la télé c’est que c’est génial : ça touche plein de gens même ma tante qui n’écoute pas de musique.

P : Dans une interview, vous dites ne pas boire d’alcool avant de jouer. L’ambiance d’un festival, ça change vos habitudes ?

Pierre : On boit pas trop, on est un groupe plutôt sage. Enfin, on boit après et encore on s’est pas mal calmé. Ça dépend des fois, si l’endroit où on joue s’y prête, si on a des amis, si on a envie tout simplement. Mais on monte jamais sur scène défoncés ou ivres.

Colin : Après on aime boire du vin à table, on aime bien les bonnes choses.

Pierre : On se met pas une mine avant de monter sur scène parce qu’on joue mal et on est que trois, donc quand il y en a un qui n’assure pas ça se voit. Et puis c’est pas notre tempérament tout simplement.

P : Est-ce que venir de Poitou-Charentes c’est un handicap pour faire du rock ?

Manu : Oui.

Pierre : On s’est formé à Paris mais je ne crois pas que venir du Poitou soit un handicap pour faire du rock.

Colin : C’est comme partout, c’est une histoire de relation. Moi je sais que j’ai pleins d’amis dans les Deux-Sèvres qui font de la musique, on a grandi ensemble, on a appris à faire de la musique ensemble. Sans les Deux-Sèvres, on serait tous pas là.

P : Vous avez fait deux à Taratata, outre le fait de rencontrer Nagui, ça change quoi le passage télé ?

Manu : Comme il y a beaucoup de gens qui regardent Nagui parce que Taratata c’est quand même super apprécié, il y a beaucoup de gens qui nous ont vu. Nous, on fait des concerts un peu partout en France, mais l’intérêt de la télé c’est que c’est génial : ça touche pleins de gens même ma tante qui n’écoute pas de musique.

Pierre : ça ouvre un public hyper large qui s’intéresse pas forcément à la presse musicale spécialisée. L’avantage de Taratata est que c’est une émission purement musicale et qui reste bon public et c’est assez rare, en fait. Il y a Alkaline mais ça reste très court. C’est vachement bien Alkaline, on l’a fait plusieurs fois et ça nous a apporté du monde. Taratata, il y a un côté un peu passage obligé, une fois qu’on y est passé tout le monde nous en parle.

Colin : C’est un vrai cap, surtout que c’est filmé dans les conditions du direct donc çz met une pression différente.

Pierre : C’est du vrai live en fait.

Colin : Ça nous appris à faire de la télé et c’est pas facile de faire de la musique à la télé en direct.

Sans les Deux-Sèvres, on serait tous pas là.

Pierre : Et la première fois qu’on l’a faite, c’était notre première grosse télé et c’est un stress à gérer assez particulier. C’est très impressionnant parce qu’en plus c’est une émission que l’on voit depuis tout petits et je pense que sans ça on aurait pas assurer autant aux victoires de la musique. C’est une bonne école, il faut le souligner parce que c’est pas tout le temps le cas. L’équipe de Taratata et l’accueil sont vraiment géniaux. Et que ce soit Nagui comme toute son équipe, ils sont super cool.

P : Lors de ce passage, vous avez repris « Voyage, voyage » de Desireless, ça fait partie de vos influences ?

C : Pas vraiment. C’est pas complétement à l’écart mais pas spécialement ça qui nous influence. Déjà, il fallait trouver quelque chose à faire… (rires) On avait envie de choisir ce morceau parce que c’était assez inattendu. Le texte peut faire échos aux notres aussi. C’était surtout un défi, en fait. On a cherché, on a pas cherché longtemps d’ailleurs. Au bout de trois quatre idées, on s’est dit celui-ci on le fait.

Pi : Après c’était peut être un poil ambitieux par rapport à notre première grosse télé parce que c’est un titre très dur à chanter et à jouer. Je pense que l’on aurait pris un peu moins de risque si on avait jouer Bashung mais on voulait pas le faire dans un premier temps parce qu’on était déjà beaucoup comparé à lui et à Dominique A. Lors de notre deuxième passage à Taratata avec Saule, on a repris « Osez Joséphine », on se sentait un peu plus autorisé de le faire parce qu’on était installé, qu’on était un peu plus à l’aise avec nos références aussi. Ce deuxième passage était super, on a vraiment adoré.

C : Ouais, c’était trop bien, on était bien décomplexé.

Pi : C’était génial et encore une fois, les conditions de jeu sont vraiment exceptionnelles.

 

P : Vous partez sur une île déserte, vous devez prendre un-e chanteur-se ou un groupe, vous prenez qui ?

C : Moi je choisis Arcade Fire, parce qu’ils sont nombreux donc déjà c’est cool. Il y a des hommes et des femmes. Ça fait partie de nos groupes préférés.

Manu : Moi je reformerais Sonic Youth et puis je leur dirais de faire un larsen infini pour l’eternité. (il imite un larsen)

Pi : Moi j’hésite entre artistiquement et humainement. Artistique, je demanderais à Nick Cave de m’accompagner mais j’ai peur de m’ennuyer donc je prendrais plutôt Dominique A parce que je sais qu’il trouveras toujours un endroit pour boire un coup.

Là maintenant, on repart de zéro donc c’est un travail de composition à trois dès le début et moi (Pierre), j’ai plus un travail d’écriture sur la musique.

P : C’est pas bête. Toujours hypothétiquement, vous êtes sur un bâteau, il y a Jennifer et Matt Pokora qui sont là et vous ne pouvez en jeter qu’un seul. Vous jetez qui ?

Pi : Matt Pkora

Manu : Bah je regarde qui est au bord du bâteau, je pousse celui qui est plus loin sur celui qui est au bord comme ça les deux tombent.

C : Moi, je préfère me jeter moi-même comme ça je me barre.

P : Comment vous vous répartissez pour la création ?

Pi : Ben, moi je fais tout et eux ne font pas grand-chose quoi. (rires) Bah en fait, il y a pas de règles, au début du groupe, j’ai commencé tout seul donc il y avait pas mal de chansons guitare/voix à travailler, à trier et on a commencé à faire les arrangements tous les trois pour le premier album. En parallèle, on a aussi créer des titres ensemble. Là maintenant, on repart de zéro donc c’est un travail de composition à trois dès le début et moi j’ai plus un travail d’écriture sur la musique.

C : Disons que pour Pierre, c’est plus facile de faire en guitare/voix pour commencer un texte donc forcément il ramène ça. Pour moi, c’est plus simple de partir d’un synthé et de rajouter des batteries. On se laisse la liberté de faire ce qu’on a envie de faire.

P : Dès le début de « Conquêtes », vous associez votre album à la couleur bleue, plus particulièrement bleu nuit, vous utilisez même le terme synesthésie dans le titre. C’est une coloration qui reste pendant tout l’album et qui est partagé aussi avec la couleur or.

Pi : Dans l’album, il y a 4 couleurs en fait.

P : Moi, ça me fait penser à une ballade en mer sous le soleil ou encore une dualité entre le jour et la nuit.

Pi : En fait, dans l’album, les éléments et les grands espaces sont très présents alors forcément quand on met des couleurs comme le bleu et l’or, enfin c’est plutôt le cuivre. C’est assez évocateur, c’est aussi notre côté purement esthétique, qu’on aime bien et qu’on a toujours voulu pour l’album. Le bleu, l’or, le noir, le blanc. On a voulu donner cet aspect noir et blanc, dans l’esthétique, c’est aussi des couleurs qui nous plaisaient, on est pas trop dans l’illustration et les clips, c’est pareil, on veut pas illustrer la chanson. A part sur « Solarium » où on a été un peu plus narratif mais sinon on aime pas trop illustrer les chansons.

 

P : Vous voulez laisser libre cours à celui qui écoute ?

P : Ouais, c’est ça, on a pas besoin d’aiguiller, les chansons sont déjà très denses, tout est dit dans la chanson. Après peut-être que le côté illustratif permettrait de simplifier un peu le sens des chansons. L’album est un peu exigeant de ce point de vue là. De la même manière, il y a aucune signification les marinières derrière, c’était simplement qu’on allait au showroom trouver des vêtements pour la photo de la pochette. Comme disait Manu, c’est des pulls rayés avant d’être des marinières, les traits, les formes ne sont pas les mêmes mais visuellement on trouvait ça joli, c’était purement esthétique.