Ce dimanche, deux documentaires étaient présentés au festival Premiers Plans d’Angers : Retiens la nuit de Simon Depardon, Arthur Verret et Baptiste Drouillac, en compétition officielle, et Colectiv d’Alexander Nanau, en avant-première, dans le cadre de la rétrospective Profession : reporter.

Deux salles, deux ambiances. Le grand théâtre d’Angers s’éteint. Comme à l’accoutumée, le générique du festival se lance et la salle applaudit en rythme.

Pour leur premier long-métrage, le trio s’est intéressé à la vie des fans de Johnny Hallyday après le décès de ce dernier survenu le 5 décembre 2017. Et plus particulièrement aux messes tenues à l’église de La Madeleine, à Paris, devenu lieu de pèlerinage, où les plus grands fans se retrouvent. Simon Depardon, derrière la caméra, est le digne héritier de son père. Retiens la nuit a quelque chose d’extrêmement touchant, dans lequel même les réfractaires de l’Idole des jeunes peuvent se retrouver. Le film ne touche jamais à la moquerie. Les différents protagonistes nous sont présentées de manière très bienveillante, sans jamais être intrusif. Même si dans la salle, lors de la projection, des rires se font entendre, on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour ces désormais orphelins du rock. Aux pleurs se mêlent les souvenirs.

À travers le micro d’Arthur Verret, des témoignages s’entrecoupent et chacun témoignent de son amour pour leur idole (pourrait-on dire Dieu ?). Les jours passent, et c’est une relation de confiance qui s’est installée entre les fans et les réalisateurs.

Baptiste Drouillac, qui complète le trio, fait partie de ces fans pour lesquels Johnny Hallyday était bien plus qu’une idole. Avec son blouson noir Tour 66, il est connu de tous. Il se démarque par son âge, en-dessous de la moyenne. La fin est sans nul doute un accomplissement personnel et un ultime hommage au Taulier.

Retiens la nuit dessine un nouveau culte, celui d’une idole et d’un monstre sacré, Johnny Hallyday, ce dernier ayant su se faire une place dans le coeur des fans, allant jusqu’à les guider, à la manière des plus grandes figures religieuses.

Après la projection, une rencontre a lieu avec les réalisateurs. À notre grande surprise, ils sont accompagnés de la délégation de fans de Johnny de l’association « Blouson rouge et noir », présente dans le film.

Du côté du cinéma Pathé, le nouveau documentaire du réalisateur roumain Alexander Nanau, Colectiv, est projeté. Il est de retour au festival 4 ans après Toto et ses frères, Grand Prix du Jury.

En 2015 un incendie dans une boîte de nuit de Bucarest cause de nombreux morts. Le film suit l’enquête et construit un récit troublant et explosif, où la corruption de l’industrie médicale devient une image de l’avidité humaine et témoigne des difficultés politiques que traverse la Roumanie. Colectiv est saisissant, à se perdre entre documentaire et fiction tant les propos qui nous sont contés sont stupéfiants. Chaque nouvel élément de l’enquête est un coup de poing qui fragilise un peu plus le pouvoir en place. Alors que les journalistes cherchent la vérité, le ministre de la Santé ne parvient pas à sortir de l’impasse. Colectiv est un observatoire de la montée du populisme en Roumanie. Les jours passent et le pays s’enlise dans un chaos sanitaire, la vidéo avec les vers sur les patients en étant le climax. À cette passionnante enquête se mêlent le destin des familles des victimes, ainsi que des grands brûlés ayant survécu, qui cherchent la justice. Tous les protagonistes de cet incident nous sont présentés, ce qui renforce la force et le pouvoir de ce film. On sort de la projection estomaqué, la rage au ventre. Comment peut-on encore en arriver là ? Comment lutter pour la défense d’un système de santé sur laquelle l’État n’a plus la main mise ?

Retiens la nuit et Colectiv sont-ils réellement si éloignés ? Évidemment, les faits auxquels s’intéressent respectivement les films diffèrent, mais ils se rejoignent quant aux réflexions sur l’être humain, que ce soit dans sa tristesse, son désespoir, ou dans une quête de reconstruction.