C’est dans les loges de l’Aéronef, autour d’une bière, que nous avons eu le plaisir de rencontrer Arnaud, Nicolas et Pierre, qui forment le collectif Bon Entendeur.
Vous êtes plongés dans une tournée avec beaucoup de dates complètes, votre album est sorti il y a 4 mois… Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Nicolas : On est avant tout content. Pour l’album, on bossait dessus depuis un an et demi donc on était content de le proposer à tout le monde. Concernant la tournée, on se sent vraiment chanceux, que ce soit lors de festivals ou pour notre Bon Entendeur show. Un peu fatigués, quand même, mais chanceux.
Concernant votre album, comment se fait le choix des chansons que vous remixez ?
Pierre : On a commencé avec la revisite de la chanson Le temps est bon, d’Isabelle Pierre, en 2016/2017. Historiquement, on faisait des playlist puis des mixtapes. Ensuite on s’est essayé aux remix. Faire un album axé sur cette revisite de vieux morceaux francophones c’était la suite logique.
Nicolas : Oui, mais la question c’était comment on avait choisi les morceaux…
Pierre : Ahhh, c’est incroyable ! (Ils rient)
Nicolas : Je me suis petit à petit dit qu’il allait se perdre mais je l’ai laissé…
Pierre : T’aurais du me couper ! Plus sérieusement, concernant les morceaux, on a passé des heures et des heures à parcourir de vieilles discographies d’artistes que l’on aimait ou d’artistes que l’on ne connaissait pas, ça faisait aussi partie du challenge ! Avec Isabelle de Funès, on s’est amusé à « déterré » des chansons pour les ré-actualiser.
« La découverte est vraiment importante dans ce que l’on veut faire. »
Ce ne sont donc pas forcément des morceaux avec lesquels vous avez grandi…
Pierre : Il y a de tout ! Pour la musique de Bachelet, il y avait une valeur sentimentale de la part de Nicolas. La découverte est vraiment importante dans ce que l’on veut faire.
Pourquoi avoir fait le choix d’appeler ça un versus ?
Nicolas : Il était important d’à chaque fois rappeler l’artiste initial du morceau que l’on utilisait. Il ne faut pas oublier qu’au départ, le but de nos mixtapes c’est de mettre en avant des productions de personnalités pas assez connues. D’où l’importance de rappeler le nom des artistes !
Vous avez, pour ne citer que lui, remixé Louis Chédid. Vous avez eu l’occasion de lui faire écouter ?
Nicolas : Oui, bien sûr ! Tous les artistes, ou les ayants droits, ont écouté et donné leur validation. Tout s’est fait avec le consentement de chacun. On a eu plusieurs fois Louis Chédid au téléphone, et on est amené à le rencontrer dans peu de temps, autour d’un verre ou d’un café…
Pourquoi ce choix de vous être lancés dans des interviews que vous intégrez à vos mixtapes ?
Arnaud : Ça nous permet d’avoir la meilleure qualité audio possible, et on peut se permettre de les orienter vers des sujets que l’on ne trouve pas forcément dans des interviews sur internet. Et puis, c’est toujours inspirant de rencontrer des personnalités aussi inspirantes que celles de nos mixtapes. Après, on doit reconnaître qu’on n’est pas toujours très à l’aise car ce n’est pas notre métier. Mais ils sont toujours très bienveillants.
Vous avez essuyé des refus ?
Arnaud : Oui, mais c’est souvent par faute de temps. Ce sont des gens qui sont très sollicités, notre projet est un peu spécial. Il y a plein de gens qui comprennent pas ce que l’on fait tant le format est hybride. Et puis il y eu un effet boule de neige, comme avec Beigbeder qui en a parlé à ses amis etc… Ce qui nous a permis d’atteindre de nouvelles personnes.
En parlant de Frédéric Beigbeder, qu’est ce que ça vous a fait de le voir slammer (se jeter dans la foule et être porté par elle ndlr.) durant votre concert à l’Olympia ?
Arnaud : C’était un moment hors du temps. C’était génial car il y avait nos familles, nos amis, tous nos proches. Et concernant son slam, on sentait qu’il avait envie de le faire car il nous en parlait avant.
Nicolas : Il m’a dit « Je le fais que si tu le fais ! » alors j’ai pas hésité une seule seconde. Il était très chaud. C’est vraiment un mec adorable. Il a toujours joué le jeu.
« C’était important aussi de reprendre les voix de personnes qui ont mené de grands combats, comme Simone Veil ou Badinter. On a voulu leur rendre hommage. »
Le choix de vos « invités » est d’abord motivé par la voix de la personne ?
Pierre : Il n’y a pas que ça ! Évidemment, la voix est un élément majeur. Pour la musique, il y a des voix qui se marient parfaitement, d’autres sont plus dissonantes. C’était important aussi de reprendre les voix de personnes qui ont mené de grands combats, comme Simone Veil ou Badinter. On a voulu leur rendre hommage.
Comment se passe la construction d’un mixtape autour d’une personnalité ?
Pierre : On s’est directement dit que l’on aimerait pouvoir écouter nos mixtapes en soirée. Il y a une véritable évolution, comme lors d’une soirée, lorsque les gens se chauffent et qu’il y a une réelle montée de rythme. Nos mixtapes sont similaires à des histoires. Mais la plus grosse difficulté c’est de trouver la bonne phrase avec la bonne musique.
Vous n’avez jamais voulu faire un Bon Entendeur feat. Bon Entendeur ?
Pierre : On nous l’a déjà proposé. Mais on ne voit pas l’intérêt. Notre groupe est là pour écouter, pour retranscrire ce qui nous touche.
Arnaud : Il est fort, c’est beau !
Pierre : Merci poulet. Quand tu te retrouves face à Nathalie Baye ou Richard Bohringer, c’est tellement plus intéressant de l’écouter que de parler.
Si l’on considère vos choix de morceaux dans vos remix ou même votre scénographie lors de votre show, il y a un côté rétro qui rappelle les années 70. Cette période est significative pour vous ?
Arnaud : On adore cette période. Il y a une espèce d’insouciance qui nous plait. Mais on ne s’inscrit pas dans le « C’était mieux avant ». On n’est pas nostalgique de cette période que l’on n’a pas vécu. On est heureux de vivre à notre époque pour se servir de toutes les sonorités actuelles, dont ils ne disposaient pas à l’époque.
Vos clips sont également de parfaits reflets du rétro que vous aimez valoriser. Comment ont-ils été créés ?
Pierre : Ce n’est pas nous qui les créons ! On a travaillé avec Alice Kong, une réalisatrice très talentueuse. On aimait beaucoup son univers. Évidemment, on a quelques images de ce que l’on voudrait. On met toutes les idées en commun, et jusqu’ici ça s’est toujours extrêmement bien passé. Actuellement, on clip un troisième morceau, Vive nous, mais avec un autre artiste cette fois-ci. Ce sera très coloré.
Vous avez des inspirations spécifiques en terme de musiques électroniques ?
Arnaud : Pas vraiment ! On écoute beaucoup de musiques, mais on change très rapidement d’artistes.
Nicolas : Dans un autre registre, dans les artistes inspirants, il y a Christophe que je cite souvent. Il est précurseur dans son domaine, avec des sonorités très particulières, parfois très expérimentales, bien loin de ses tubes tels que Les mots bleus ou Aline.
Pierre : Les mixtapes reflètent nos goûts musicaux, donc c’est vraiment très éclectiques. Mais pour citer quelques artistes, je citerais la pop de Jungle et la chanson de Sébastien Tellier en passant par l’électro d’un duo comme Bedouin.
Tu évoques Christophe… Ce serait un potentiel artiste à remixer ?
Nicolas : Remixer Christophe, personnellement j’oserais pas !
Pierre : Christophe, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, c’est un artiste très connu. On ne voulait pas tomber dans cette facilité de remixer des artistes que les générations chantent encore souvent aujourd’hui.
Que signifie l’Aller-retour, titre de votre album ?
Pierre : Il y a différentes manières de l’interpréter. On y voit des voyages entre les différents personnalités : Pierre Niney est acteur, Beigbeder écrivain, PPDA est présentateur… Des allers-retours également dans les années : on prend des chansons que l’on actualise. Mais aussi un aller-retour dans les styles, car on ne cesse de s’essayer à plein de choses.
Vous assurez votre Bon Entendeur Show, mais vous faites également des DJ Set. Quelles sont les différences dans la manière d’aborder ces deux exercices ?
Nicolas : Le Bon Entendeur Show c’est une scénographie soignée avec des écrans, une sorte de reconstitution de plateau télévisé des années 70. Lors d’un DJ Set, on se fait encore plus plaisir que quand on est sur scène. On sort des canevas et on quitte la feuille de route.
Pierre : Un DJ Set ne se prépare pas vraiment. On recherche des sons, en amont, mais il y a une liberté totale une fois qu’on y est. C’est une vraie balade. On fait évoluer le set selon nos humeurs, selon le public. Là aussi, on raconte une histoire. Pour le Show, il est un peu « figé ». Mais il est en constante évolution, on ne cesse de le retravailler, de le retoucher. Dans tous les cas, c’est toujours aussi excitant de se retrouver devant un public, très souvent, en grande forme.
Sur la route, et durant votre tournée, vous continuez de travailler sur vos mixtapes ou vous les laissez un peu de côté ?
Nicolas : Grâce à nos ordinateurs, on peut se permettre de bosser de manière assez nomade. Dans le tour-bus, on a tout ce qu’il faut pour avancer.
En parlant de tour-bus, il n’y a pas trop de discordes, de mésententes entre vous ?
Pierre : On passe notre temps ensemble, on se connaît par coeur.
Nicolas : Quand je suis fatigué, je deviens désagréable, et quand Arnaud a faim, il devient désagréable. On sait qu’il faut pas trop se chercher à ces moments-là.
Vous réfléchissez déjà à un deuxième album ?
Nicolas : Eh bien, pour revenir au tour-bus, on bosse actuellement sur la réédition de l’album qu’on devrait sortir pour la fin de l’année. Mais en 2020, c’est sur qu’on va se pencher sur un autre album car on a plein d’idées. Explorer d’autres territoires que la France, d’autres années, on ne s’interdit rien et on réfléchit à tout.
Dernière question rituelle, que vous évoque le nom Pedromadaire ?
Pierre : Pedro, forcément ça m’évoque mon prénom, Pierre. Madère, je pense à un endroit où j’aimerais beaucoup aller. Mes parents y sont allés il y a peu de temps et ça a vraiment l’air très joli.
Nicolas : Personnellement je pense à Pedro Winter avec une bosse de dromadaire.
Arnaud : Ah c’est original ! Mais c’est vrai que Pedro avec une bosse…
Merci à Gwen Chapelain d’avoir rendu cette interview possible et merci à Bon Entendeur d’avoir répondu à mes questions.