À l’occasion de leur concert à Marcq-en-Baroeul le 13 juillet, deuxième rencontre entre Sylvain Duthu et le Pedromadaire (première rencontre orchestrée par Lucie Marc en 2016 à retrouver en cliquant ici). L’occasion de revenir sur un an de travail riche en émotions.

« On ne change pas le monde en faisant des chansons mais ce qui est important c’est de rassembler des gens qui ont des âges différents, des profils différents. »

Vous sortez d’une année de tournée et là vous entamez une deuxième période de festival, on se repose quand chez BDA ?

Le lundi. Pas beaucoup en fait, c’est vrai que depuis 2011 on n’a pas beaucoup arrêté mais là en septembre on arrête pour un petit moment, mais c’est pas vraiment des vacances puisqu’on va enchainer sur le nouvel album. Dès qu’on revient de Nouvelle-Calédonie, on enchaîne.

Votre denier concert à Nouméa, mais vous passez par Bruxelles avant de vous envoler pour la Nouvelle-Calédonie. C’est significatif de terminer par cette ville ?

Oui, il y avait encore plein de festivals en août mais on s’est dit que l’on va finir par Bruxelles, pour le principe, et le clin d’oeil.

Petit aparté pour rester sur le thème de Bruxelles : est ce que la fille de la chanson Bruxelles existe ?

Ouais elle existe, c’est une amie maintenant, qui est photographe et qui s’appelle Laura Lafon, elle fait d’ailleurs un travail magnifique, avec qui j’ai collaboré puisque j’ai écris le texte de son exposition qui s’appelle Je ne veux plus vous voir (mais c’est provisoire) (aperçu disponible en cliquant sur le nom du projet) qui est un projet sur la famille. Elle a fait des photos au sein de sa famille, moi j’ai écris le texte qui accompagne l’exposition, mais donc oui, elle existe.

Actuellement, vous êtes un des groupes français qui marche le mieux, qui commence a acquérir un public de plus en plus large, avec cette spécificité d’être transgénérationnel. Est ce une fierté, quelque chose qui vous touche ?

Ouais ça nous touche, c’est vrai qu’on est un groupe transgénérationnel et ça l’a toujours été, et il est vrai qu’on en a toujours été assez fier. Beaucoup même. Beaucoup parce que c’est quelque chose de super beau de rassembler toutes les générations, c’est beau de voir des parents avec leur(s) enfant(s) ou même des arrière-grands-parents avec leur(s) enfant(s). C’est super beau, mais il n’y a pas que la différence d’âge, il y a également la différence sociale qu’on remarque parce qu’à la fin de nos concerts on va voir notre public et les gens n’ont rien à voir entre eux, c’est aussi bien des chefs d’entreprise que des boulangers, des employés, des ouvriers, des étudiants… T’as vraiment de tout et c’est quelque chose de fort, de très fort. Fort dans le sens où ça fait plaisir, bien évidemment.

Votre côté transgénérationnel est également du au nombreux thèmes universels que vous abordez comme le voyage, ainsi que cette légère mélancolie, ce regard vers l’arrière…

Après plusieurs interviews je me suis un peu retapé les textes des albums alors que normalement je ne les écoute jamais et je me suis dis « Bordel, je dis tout le temps les mêmes trucs en fait ! ». Certes il y a une mélancolie, mais elle est pleine d’espoir. Tout cela porté par des musiques et des vibrations assez positives. Et sinon j’aime aborder le voyage mais également l’amour impossible, le nouveau départ, de liberté… Mais j’essaie de le dire différemment !

Quand tu fais un texte, tu te livres énormément. Ca parle de moi, mais en fait ça parle de tout le monde car on est humain et on est tous pareil. Mon « je » est plutôt universel. Une fois que Boulevard des Airs a mis une chanson sur un CD, elle appartient au public. Elle n’appartient plus ni à moi ni au groupe. C’est peut-être ça le but. Je suis fier de recevoir des mails de personnes qui me disent qu’elles ont l’impression que Emmène-moi a été composée pour elles. C’est tout simplement fou. Mais moi ça me fait pareil avec certains artistes.

Sur votre tournée 2016, la plupart des vos dates affichaient complet…

Ouais, et c’est pour ça qu’on a continué en 2017. En discutant avec nos partenaires, que ce soit le tourneur, le label ou le manager, c’est eux qui nous ont poussés à continuer en 2017 parce qu’ils y croyaient plus que nous, notamment pour les Zénith. Au fond de nous on avait surement un peu peur car on ne connaissait, on se lançait dans l’inconnu. On leur à fait confiance : on est parti sur les Zenith et c’était des moments monstrueux.

C’est une pression de s’aventurer dans les Zénith ?

C’est une pression car c’est un grand risque. Quand on produit nous mêmes nos trucs il y a quand même un risque financier mais il y a pas beaucoup de pression. Une fois que c’est rempli c’est génial, c’est super flatteur, on sait que les gens sont là que pour toi. Donc au final, non, ça ne fait pas vraiment peur, c’est juste monstrueux, dans le sens positif, à vivre. On a aucun regret d’avoir fait ces Zenith car ils ont été pour nous les moments les plus forts que l’on ait pu vivre sur scène.

En vous retournant sur votre année de tournée, est-ce qu’il est possible de nous donner un moment marquant, qui reste plus en mémoire que les autres ?

Il y a les Zénith dont je parlais, et notamment le Zénith de Pau, où on est un peu comme à la maison puisqu’on est à 20 minutes de Tarbes. Il y avait nos familles, nos connaissances, il y avait même Vianney avec nous pour deux/trois morceaux. C’était monstrueux. C’était vraiment très fort. Mais tous les Zénith étaient incroyables. Mais je pense également à Tahiti, car c’est assez atypique.

On ne se lasse jamais de faire des concerts ?

Normalement non. C’est toujours très différent, que ce soit le contexte, le paysage ou les gens donc non car ça change tout le temps. Il n’y a rien de plus agréable pour un artiste.

Comme récentes « actualités » de Boulevard des Airs, il y a cette participation à l’album « Breizh Eo Ma Bro », un album comme un hommage à la Bretagne, dans lequel vous reprenez Le Bagad de Lann-Bihoué d’Alain Souchon. Pourquoi s’être embarqués dans cette aventure ?

Notre manager m’appelle en me disant qu’il y a un projet qui est en train de se faire autour de la Bretagne, avec plein d’artistes comme Raphael, Renan Luce, Clarisse Lavannant ou Dan Ar Braz. Plein de gens que je découvrais ou que je connaissais. Il nous demande si ce projet nous dit et je lui réponds que oui car je suis breton : j’ai des origines bretonnes et j’ai de la famille là-bas. Puis j’en ai parlé au reste du groupe et il était plutôt chaud. Seulement, les chansons qui étaient proposées ne nous plaisait pas donc on a fait un peu demi-tour. Nous n’avions vraiment pas envie de faire quelque chose à contrecoeur, qui ne nous plaisait pas. Et en fait, il tenait beaucoup à ce que Boulevard des Airs participe au projet alors on a eu la chance de choisir le morceau que l’on voulait. J’ai donc choisi, en accord avec tout le monde, le Bagad de Lann-Bihoué qui a ensuite été accepté au label. Alain Bouchon a accepté qu’on le reprenne ainsi que le Bagad de Lann-Bihoué. Et en plus il joue avec nous sur l’album. Tout s’est fait très simplement.

À 9 dans le groupe, les décisions ne sont-elles pas trop dures à prendre, la cohabitation n’est pas trop compliquée ? Et pour la création d’un album, ça se passe comment ?

On est super pote, on se connait par coeur, donc c’est vraiment pas compliqué. On est 5 compositeurs principaux. Je m’occupe plutôt des paroles. Puis avec Pierre-Emmanuel, Florent, Jean-Noël et Jérémie, on s’occupe de la musique. Chacun travaille de son côté, chacun est inspiré et chacun bosse sur ses pianos, ses ordis, sa guitare et propose aux autres ce qu’il vient de trouver ou ce qu’il a écrit. C’est un peu comme dans un atelier où l’on fabrique les choses de manières artisanales : on se passe les idées, on se passe des idées d’instrus et ainsi se composent nos chansons. Les autres, bien sur, ne sont pas mis à l’écart. Quand il arrive dans le studio ils donnent leur avis, leurs impressions, leurs idées, leurs accords. Tout se fait de manière assez démocratique.

Faut-il s’attendre à de grands changements pour le 4ème album ou sera-t-il dans la lignée du 3ème ?

« On change beaucoup en grandissant, et notre musique aussi. »

Je pense que ce sera encore plus moderne. On a vraiment envie d’accentuer ce son-là, le genre de mélodie que l’on peut entendre sur Bruxelles ou les remix que l’on a fait de Ce gamin-là et Demain de bon matin. C’est ce qu’on aime faire aujourd’hui. On change beaucoup en grandissant, et notre musique aussi. On n’a pas envie de garder un truc que l’on aurait fait au départ et qui aurait plu. On a envie d’assumer le fait que l’on change d’influences, de goûts. Aujourd’hui on a presque 30 ans, il y en a même qui ont plus (rires), on écoute autre chose donc on fait autre chose. Évidemment ce sera dans la même veine car c’est Boulevard des Airs : c’est les mêmes mecs, c’est la même plume, c’est les mêmes compositeurs, c’est les mêmes cerveaux. Ce que l’on sait c’est que les instrus, les arrangements vont venir d’eux-mêmes. Aujourd’hui, et on ne l’a jamais fait, on ne va pas se dire « Bon il faut que le 4ème album soit bien cohérent, qu’il sonne latino, qu’il soit comme ci, ou comme ça. » On va se laisser aller.

Il faut savoir que durant la période de tournée, on écrit déjà beaucoup. On écoute plein de chansons, mais bon, on attend septembre pour avoir le cerveau disponible.

Il y a un an tu nous évoquais tes goûts musicaux (ndlr. La première interview de Sylvain Duthu est à retrouver ici.), et notamment ton envie de featuring avec Hugo TSR. C’est toujours d’actualité aujourd’hui ?

Ah ouais, j’adore. J’écoute toujours beaucoup. Lui, il s’en fout complètement mais ouais, Hugo TSR est vraiment un mec que j’adore. Mais aujourd’hui, pour une envie de featuring, je pourrais également répondre VALD. J’aimerais bien faire un duo avec VALD. J’adore ce mec. Je trouve ces prods vraiment sympas et sa dérision est impressionnante. Il y a Orelsan que j’aime beaucoup également. Mais je tiens à dire que je n’écoute pas que du rap hein ! (rires)

« J’aimerai bien faire un duo avec VALD. »

En ce moment, j’écoute également beaucoup Albin de la Simone, Mathieu Boogaerts. J’oscille entre la chanson française et l’électro. On a vu Vitalic aux Solidays, c’était monstrueux. J’ai raté Nicolas Jaar à Toulouse et j’étais vraiment triste car c’est un mec que j’adore. Je pense pouvoir dire que mes goûts sont très divers.

Pourquoi une telle importance des clips ?

Bah, on essaie de faire un truc pas trop mal ! Beaucoup de gens traînent sur Youtube, beaucoup de gens regardent des clips, ils passent même parfois à la télé donc c’est important que ce soit pas mal. Le dernier c’est Demain de bon matin, qui a une charte graphique assez intéressante grâce à notre réalisateur Jean-Marie. J’étais content de faire un truc un peu artistique, et à la fois populaire.

Je trouve l’image super importante. Les clips que l’on fait ne sont pas vraiment les clips que moi je ferai si je faisais de l’image mais on essaie d’accorder une importance à ça car c’est également une expérience très intéressante. On porte un regard un peu neuf sur la chanson. Au début, c’est moi qui tournais les clips, mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas mon métier (rires). J’ai laissé faire les mecs qui savent faire. Peut-être que plus tard je m’y remettrais.

Et faire de la bande-originale de film ?

C’est un exercice que l’on a déjà fait. On a travaillé avec Capsus sur un film qui s’appelle eMotion. C’est un film sur le free-ride et on a composé la bande-originale alors qu’on avait que 18 ans. C’était cool et c’est super intéressant.

Quand vous diffusez un clip sur Youtube, vous lisez les commentaires, les retours ? Vous répondez à tous les messages que vous recevez sur les réseaux sociaux ?

Ouais, c’est vraiment quelque chose qui nous tient à coeur. Je m’occupe plutôt des mails alors que Florent ou Jean-Baptiste s’occupent plutôt des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. C’est assez fou car il y a vraiment de tous les âges. Les vieux prennent du plaisir à nous envoyer un message, car on en parle sur scène, en nous indiquant leur âge, en nous disant « J’ai pas fait de pogos mais j’étais là. » C’est vraiment quelque chose qui fait extrêmement plaisir. On a toujours tenu à ce que ce soit nous répondions aux messages et non un CM (Community Manager) ou bien des employés de la maison de disque.

Quelles sont les valeurs de Boulevard des Airs ?

Je pense que ce sont des valeurs assez universelles, voire naïves pour certaines mais c’est des valeurs de tolérance, d’ouverture, de partage, d’amour quoi. C’est super important. On change pas le monde en faisant des chansons mais ce qui est important c’est de rassembler des gens qui ont des âges différents, des profils différents. C’est pas grand chose mais pendant un petit moment il y a des personnes qui n’ont rien à voir qui se rassemblent et ça c’est déjà pas mal. On a des valeurs mais on a pas forcément de message politiques ou quoi que ce soit. Nos thèmes sont très clairs, très limpides.

Et tu t’es fait à l’acronyme BDA ? Car tu nous as dit que tu ne le portais pas spécialement dans ton coeur ?

Je suis pas archi-fan des sigles en général. Par exemple, ça m’énerve quand on appelle Jean-Luc Mélenchon JLM. C’est surement un peu réac. Mais pour BDA c’est différent car ça vient du public, et le public fait ce qu’il veut.

Mais qu’on se rassure, Boulevard des Airs, c’est pas prêt de s’arrêter ?

Je crois pas non. Vu comment on a envie de passer au 4ème album c’est parti pour durer encore quelques années. Et on espère de très belles années.

Le nouvel album de Boulevard des Airs devrait sortir fin 2018. S’en suivra une tournée que l’on espère aussi folle que le Bruxelles Tour.