Lauréate du Prix Goncourt 2016 et fraîchement nommée représentante du chef d’Etat pour la Francophonie, Leila Slimani signe un ouvrage passionnant avec Sexe et mensonges, la vie sexuelle au Maroc.
Paru en septembre dernier, le dernier essai de Leila Slimani s’attaque à une thématique sensible et de plus en plus abordée au Maroc : celle de la sexualité. Sexe et mensonges, la vie sexuelle au Maroc aborde avec une grande justesse l’hypocrisie qui règne dans la société. La liberté sexuelle n’existe pas et la justice marocaine punit les relations sexuelles hors mariage, l’adultère et l’homosexualité. En même temps, le pays est l’un des premiers consommateurs de pornographie et la prostitution, pourtant interdite, est très présente. Cependant, les autorités ne punissent pas tous les délinquants de la même manière puisque ces derniers peuvent acheter le silence des forces de l’ordre. La dualité entre la législation et ce qu’il se passe réellement dans la société est décriée par l’auteur, qui dénonce la « schizophrénie » ambiante.
Leila Slimani explique avoir été critiquée pour ses propos. Elle a été jugée comme voulant « occidentaliser le Maroc » en promouvant la liberté sexuelle. Or il ne s’agit pas d’occulter ce qui fait la culture du Maroc mais de montrer que cette culture n’est pas celle qui est enseignée. Aussi, les lois sont injustes envers les femmes. En effet, la virginité, obligatoire jusqu’au mariage, ne peut se prouver chez les hommes. Il en résulte de nombreuses femmes acceptant la sodomie ou encore des rapports sans pénétration pour préserver leur hymen. En réalité, dans la société, les hommes ayant de l’expérience sont plutôt bien vus tandis que les femmes qui s’affranchissent de la loi sont jugées de façon extrêmement négative. Tout cela favorise la misogynie. Mais les hommes sont eux-mêmes victimes d’un système ou personne n’y trouve son compte.
Leila Slimani transmet des tranches de vie. Des femmes, premières concernées, racontent leur vie sexuelle mais aussi leur éducation ainsi que l’emprise du regard de la société qui se pose sur elles. D’autres types de profils tel qu’un policier, un sociologue et une journaliste décrivent à leur manière ce qu’ils vivent et retiennent de la société marocaine. L’auteur y ajoute ses propres bribes de vie et apporte des analyses. Certains éclairages historiques permettent de comprendre pourquoi la société marocaine est conservatrice et déconstruit l’idée selon laquelle l’islam en serait à l’origine.
Avec Sexe et mensonges, la vie sexuelle au Maroc, Leila Slimani nous apporte des connaissances, des témoignages et beaucoup de bon sens. Sans prétendre à une révolution idéologique, l’ouvrage livre la parole de Marocains et Marocaines permettant de comprendre et saisir la réalité au sein du pays.