Strunt est un groupe nordiste proposant une musique fraîche et décomplexée. Du rock, de la pop, un soupçon de disco, le tout chanté en français. À l’occasion de la sortie de leur EP Latence et Fulgurance, nous avons eu le plaisir de les rencontrer. Une rencontre de laquelle émane une joie de vivre communicative à l’image de leurs chansons.
Est ce que vous pouvez vous présenter ?
Maud : Il s’appelle Vincent Legrand.
Vincent : Elle s’appelle Maud Choteau.
Maud : C’est le Rémi Bricka [ndlr. Un musicien, homme-orchestre et un chanteur français originaire d’Alsace] de la musique. C’est l’homme orchestre.
Vincent : Ouais, j’aime bien jouer de plein de trucs.
Maud : Comme il ne sait pas choisir il a créé un instrument qu’on appelle une guitasse.
Vincent : Ce qui me permet de jouer de la basse et de la guitare en même temps. J’ai fait ça car il y a un côté bricolé que j’aime bien, ça induit ta façon de jouer, ta façon de composer, ta façon d’enregistrer, la basse et la guitare sont en symbiose. Je suis un grand fan de The Presidents of the United States of America, groupe dans lequel le gars avait pris une guitare et mis deux cordes de basse pour jouer la basse sur une guitare. J’aime vraiment bien jouer beaucoup d’instruments. J’aime bien les groupes où il y a pas trop de monde, donc faire des combos d’instruments, ça diminue le nombre de personnes. Et sinon, il y a Maud. On l’a mise derrière l’ordinateur.
Maud : Donc j’envoie des séquences, et également ma voix ! Et quelle voix ! La voix féminine du groupe !
Est-ce que vous pouvez nous parler de la naissance de Strunt ?
Vincent : On s’est rencontrés sur une pièce de théâtre qui s’appelle Les Surfeurs d’Ithaque qu’on avait monté avec un copain. C’est une pièce de théâtre avec des chansons. J’étais arrivé dans une période où j’avais envie de revenir sur la musique, un truc plus traditionnel, faire des chansons, un disque, des concerts. J’ai toujours voulu faire de la musique, je me suis donc posé la question d’en vivre. On s’est donc rencontré avec Maud, on a commencé à travailler ensemble et on a écrit des chansons dans l’idée de faire un projet musical mais sans trop savoir ce que ça allait donner, que ce soit dans les propos ou dans la musicalité.
Maud : On était un peu emmerdé avec l’écriture, qui s’avérait être un travail assez vertigineux. On s’est dit qu’on allait chanter en anglais mais on est quand même…
Vincent : Des quiches ! Des grosses quiches même, on ne va pas se mentir.
Maud : Cette idée c’était se tirer une balle dans le pied. Comme si on voulait se planquer pour qu’au final ça aboutisse sur pas grand chose. Ça manquait un peu d’honnêteté par rapport à ce qu’on était.
Vincent : Personnellement, comme je suis musicien, je suis très peu sensible aux textes.
Maud : Moi c’est tout l’inverse.
Vincent : J’aime beaucoup les chansons anglaises car on ne comprend pas ce qu’elles racontent. Du coup mon attention se porte sur la musique. Je décortique la musique, j’aime bien une musique quand je l’ai écouté 50 fois et que j’ai analysé le rôle de chaque instrument. C’est de cette manière que j’aime la musique. Forcément, le texte passe un peu à la trappe dans des moments pareils. Écrire en français est un exercice compliqué. Le public est d’abord touché par les paroles que par l’instrumental.
Pour la sortie de votre premier EP, Latence et Fulgurance, comment ça s’est passé ?
Vincent : On devait avoir une dizaine de chansons. On s’est dit que ce serait bien de les jouer en vrai donc on a trouvé un batteur, à savoir Quentin Daumal. Cependant, pour les jouer en vrai, il nous fallait un support. On a choisi nos 5 meilleurs morceaux, l’enregistrement s’est fait un peu à l’arrache, chez nous, car on n’a pas été en studio, puis on a confié le tout à un mixeur, un professionnel. Ainsi est né notre EP. C’est de la bricole.
Tu parles de bricole mais c’est quand même un EP très abouti avec 5 titres, un visuel réfléchi…
Vincent : Ah mais quand je parle de bricole, ce n’est pas du tout péjoratif ! Pour moi bricole, c’est à entendre comme artisanat. Dans le sens où on n’a pas été loué un studio à 500 euros la journée pour aller faire des prises de son ou quoi que ce soit…
Maud : Et on s’est également débrouillé par nous-mêmes car on avait les moyens, on avait le matériel pour le faire nous-mêmes.
Vincent : Et parce que c’est un vrai confort ! J’ai le droit à une réelle autonomie. Si 3 semaines plus tard je trouve que ma prise de guitare n’est pas assez bonne, je peux la refaire. Dans un studio, tu n’as pas ce luxe, tu dois speeder. Selon moi une chanson mûrit dans le temps et dans ses enregistrements. Ce qui est génial avec la technologie d’aujourd’hui c’est que tu peux enregistrer avec très peu d’argent chez toi. Le possible retour sur les arrangements sert à la création.
Maud : Pour la pochette de l’album, on l’a confié à une personne extérieure au groupe qui a pu poser un autre regard artistique sur notre travail.
Est-ce que vous vous considérez comme un groupe engagé ? Le thème du travail pour Entretien, le thème des réseaux sociaux chronophages pour Timeline…
« Dans nos chansons, il y a forcément un fond de révolte, d’amusement, de second degré, de cynisme, mais l’idée n’est pas de donner des leçons aux uns et aux autres. »
Maud : C’est un engagement du quotidien. Notre objectif premier, quand on écrit, c’est pas « Tiens on va faire un truc engagé ». On se contente de prendre un thème et d’écrire les choses à notre manière, comme on les ressent. Il y a forcément un fond de révolte, d’amusement, de second degré, de cynisme, mais l’idée n’est pas de donner des leçons aux uns et aux autres.
Vincent : Nos chansons partent souvent d’anecdotes ou de questions que l’on s’est posées. Quand quelqu’un met un post Facebook « Oh dis donc, il fait -12° dehors ! » alors que moi je me pèle aussi car j’habite à 12 kilomètres, ça me pose question, je me demande quel intérêt. À savoir que je ne suis pas du tout réfractaire aux réseaux sociaux, moi-même je suis dessus mais il y a tout un tas de garde-fous, et je m’engage à la hauteur de ce que j’estime important de faire pour moi. Quand je poste une photo je me dis que c’est comme si je l’exposais en format 4 mètres sur 3 dehors. Mais bien évidemment, si nos chansons font réfléchir ou quoi que ce soit, pourquoi pas. Mais je n’ai surtout pas envie de faire des chansons niaises !
Maud : On devrait faire une chanson niaise. Très niaise. Complètement niaise. (rires) Mais sinon, oui, tout part d’anecdotes. Vacances de la loose c’est une expérience complètement vécue. Les vacances avec les parents sur une péniche alors que je pense aux soirées sur la plage avec mes potes, j’ai donné. Bon, pour tout ce qui est plan cul, par contre, on a forcé le trait ! Mais ce qui est drôle, c’est qu’aujourd’hui, on me propose une semaine sur des péniches, je trouve ça trop cool ! (rires)
Vincent : Si la légèreté peut servir à se poser des questions et à générer un peu plus d’humanisme, je suis preneur ! Cependant, il y a un mot que je déteste entendre dans une chanson, c’est « injustice ». Si je l’entends j’ai mon oreille qui saigne. Je sais pas pourquoi. Et c’est pour ça qu’on a écrit une chanson, qui n’est pas sur l’EP, dont le refrain est composé uniquement de mots, de phrases, que l’on déteste entendre dans la chanson française. Je pense que Maud et moi ne vivons pas le militantisme dans un mode « classique ». J’ai beaucoup de mal à aller manifester, par exemple.
Maud : C’est parce que t’aimes pas les gens. (rires)
Vincent : Mais par contre je vais le vivre au quotidien le militantisme !
Maud : Dans sa cuisine.
Vincent : Je le vis au quotidien dans mon mode de vie, mon travail, les idées progressistes que je souhaite véhiculer dans mes spectacles avec les jeunes.
Maud : De gauche !
Vincent : Peut-être, mais humanistes en tout cas.
Qui écrit les textes entre vous deux ?
Vincent : On les écrit à 2.
Maud : Ah oui, ça, pour le coup, on les écrit vraiment à 2 ! Donc ça peut partir de trucs à la con…
Vincent : Si une idée, une phrase fait marrer Maud, c’est pas mal. Si une phrase ou une idée me fait marrer, c’est bien. Mais si elle nous fait marrer ensemble, c’est qu’on est dans la bonne direction !
Maud : Pour la musique, par contre, c’est plutôt Vincent. Moi je me la joue inspectrice des travaux finis. Comme une fois où il s’était vraiment lâché sur la gratte électrique. (rires)
Vincent : Putain ouais, un jour je suis arrivé et je dis à Maud « Putain j’ai fais un solo de ouf ! » à la Slash, j’étais hyper heureux, et là je voyais que Maud essayait de ménager ma susceptibilité. Au final, il n’y a pas eu de solo.
En parlant de Slash, quelles sont les influences musicales de Strunt ? Que ce soit au niveau des textes ou des instrus ?
Maud : En terme de texte, ça ne va pas être du tout original, mais j’ai beaucoup écouté Brel, Brassens, Barbara, Gainsbourg… Mais je n’ai pas la prétention de me placer dans leur lignée, et je ne m’y place pas, d’ailleurs ! Après, quand j’étais adolescente, j’étais très branchée Mano Solo, et je suis assez fan de Juliette. Aujourd’hui, dans le hip-hop, il y a beaucoup de trucs très sympas, puis Odezenne, forcément. Le Réparateur font des choses très sympas aussi.
Vincent : Ah oui ! Le Réparateur il faut écouter ! C’est un groupe de punk génial, et leur album Sortir la tête de la poubelle, il faut vraiment s’y intéresser. C’est super.
Maud : Ensuite, j’aime beaucoup les voix plus « jazzy », et là ce ne sera pas très original non plus mais Ella Fitzgerald, Nina Simone ou le dernier album de Madeleine Peyroux que je trouve très beau. Puis je reviens sur le hip-hop mais Les Casseurs Flowteurs peuvent faire des trucs vraiment cools, Bigflo & Oli aussi.
« L’impertinence dans la musique est quelque chose que j’apprécie énormément. »
Vincent : J’ai du mal à avoir des références en ce qui concerne les textes. Ah si, j’aime beaucoup Hubert-Félix Thiéfaine. J’aimais beaucoup le côté décalé à ses débuts. Mais en chanson française je reconnais m’emmerder assez vite. Mais pour ce qui est musique et instrumental, j’ai beaucoup plus de références. Je suis un grand fan de Supergrass. Il y a toujours une certaine folie, un côté hors normes dans les albums et morceaux que j’aime bien. Les premiers albums des Arctic Monkeys sont géniaux pour ça. L’impertinence dans la musique est quelque chose que j’apprécie énormément. Je sais que j’aime beaucoup quand je me dis « Ah les mecs ont osé faire ça ! ». Pour revenir sur les textes, je rejoins Maud et son avis sur Odezenne. On crée pour nous et on espère qu’un jour, nos productions vont parler à des gens. On a fait aucune étude marketing pour savoir ce qu’il fallait faire pour marcher, et sans doute que ce que l’on a fait c’est exactement ce qu’il ne fallait pas faire pour marcher.
Maud : C’est peut-être pour d’ailleurs pour cette raison que ça ne marche pas trop… (rires) Mais ce qui est vraiment sympa, c’est quand plusieurs personnes viennent nous voir et que leur chanson préférée n’est jamais la même. Chacun a son morceau fétiche, chacun se reconnait dans le morceau qu’il désire.
Vincent : C’est comme pour nos spectacles. On part de rien, on va a contre-courant. On s’est plusieurs fois demandé s’il ne fallait pas changer notre manière de faire. Et aujourd’hui on vend 80 spectacles par an. On est repéré dans des niches de prévention mais on n’a pas de notoriété. Mais on vit. Je ne suis pas capable de faire quelque chose qui n’est pas proche de moi. Strunt est un projet qui me ressemble, qui nous ressemble. Si ça marche, tant mieux. On en fera d’autres. C’est avec l’honnêteté que l’on peut faire de grandes et belles choses. Mais je ne suis pas sur que l’on passera sur Fun Radio.
Maud : Et je crois que pour Difool c’est également mort… Mais en tout cas, on ne va pas lâcher l’affaire.
Que vous évoque le nom Pedromadaire ?
Maud : Un pet de dromadaire. Ou un mec qui s’appelle Pedro et qui fait du dromadaire. Je trouve ça cool comme nom.
Vincent : Un mec tout poilu sur une plage. Pedro à Madère. Avec de la crème solaire, sur une île paradisiaque.
In Strunt we trust !
Le groupe est à retrouver sur leur site officiel : http://strunt.fr
Sur Facebook : Strunt
Sur Youtube : Strunt Groupe
Sur Instagram : _strunt_
Quelques photos de Strunt en concert. Merci à Iris To PIX pour ces très beaux clichés.