Connu pour ses titres « Cielo Ciego », « Emmène-moi » ou encore le plus récent « Bruxelles » et pour être un des groupes montants de la scène française, Boulevard des airs jouait le jeudi 3 mars à la Rodia pour un live complet organisé par Le Bruit Qui Pense. Après la sortie de leur 3ème album « Bruxelles » en juin 2015, Sylvain Duthu nous a accordé une interview pour nous parler tout en simplicité des envies du groupe, de son indépendance et de son expérience. Rencontre.

Pourquoi Boulevard des airs ? Même si on imagine que c’est la question qui retombe souvent…
Sylvain : (rires) Toujours la même réponse du coup : en 2004, quand on a créé le groupe avec Flo (Florent Dasque, le bassiste du groupe NDLR), on s’est demandé comment on allait bien pouvoir appeler le groupe et moi j’étais déjà à l’époque très fan de Vincent Delerm qui avait fait un DVD en 2003 qui s’appelait « Un soir Boulevard Voltaire » et je trouvais ça joli, va savoir pourquoi…
Et au début j’avais dit « Flo, ça te dit pas qu’on appelle le groupe « Un soir Boulevard des airs » » parce que le jeu de mot il vaut ce qu’il vaut mais il est quand même bien et il m’a dit « ouais c’est un peu long » et on a gardé Boulevard des airs et du coup ça s’est toujours appelé comme ça. Après les gens ont vite fait appelé le groupe BDA, je ne suis pas fan de ce sigle (rires) mais bon, les gens l’appellent comme ça.

Et vous êtes venus comment à la musique ? Tu en fais depuis petit ?
Sylvain : Moi personnellement j’étais dans un village dans une école de musique à 5 ans où je faisais du piano, de la batterie après un peu plus tard, pas très longtemps et après j’ai arrêté le solfège. J’avais arrêté les cours mais j’ai continué à pratiquer quelques instruments : l’accordéon, le ukulélé, des trucs comme ça.

Et du coup tu t’es rabattu sur le chant ?
Sylvain : En fait je chante depuis que j’ai 11/12 ans, j’écris des chansons piano/voix, comme Delerm et j’ai toujours chanté à part dans le premier groupe que j’avais avec Florent, le bassiste, où on faisait des reprises de Placebo, Radiohead et Muse où j’étais à la batterie. Sinon dès qu’on a créé Boulevard des airs, j’étais au chant. Ça s’est fait naturellement comme j’écrivais les textes, déjà à l’époque je les chantais. C’était assez logique, assez naturel on va dire. Mais je ne sais pas chanter, j’ai jamais pris de cours de chant, mais je vais apprendre à chanter, je vais prendre des cours (rires).

Il y a eu plusieurs évolutions dans votre groupe, aujourd’hui vous êtes 9….
Sylvain : On a été très nombreux mais bon on parle des premières années, où Boulevard des airs c’était un loisir. On répétait très rarement et encore moins souvent on donnait des concerts. Donc oui c’est flou, là on a le Boulevard des airs en tant que groupe, en tant que formation professionnelle, en tant que métier, en tout cas pour nous c’est plutôt récent parce que ça date de 2011 et on a toujours été 8 ou 9, on a toujours été nombreux.
En soi, on est 4 ou 5 à faire partie du noyau dur et à avoir été à la base du projet en étant toujours là.

Vous vous seriez imaginé un jour que ça prendrait tant d’ampleur ?
Sylvain : Non, pas du tout parce que c’était vraiment un loisir. Au bout d’un moment on s’est dit que c’était vraiment bien, il y avait de plus en plus de petits concerts. On a eu la chance de faire des premières parties chez nous et on s’est dit « c’est vraiment bien si on peut en faire notre métier, allons-y ! » et on a dit « ok, à partir de maintenant les disques c’est la priorité ». On a sorti notre premier album et ça a décollé. A partir de là ça a marché et on a toujours la tête dans le guidon depuis. On prend toujours de plus en plus de plaisir donc ça aussi c’est cool.

Vous avez la particularité d’être auteur/compositeur/interprète, vous faites tout en fait vous produisez et ça prend j’imagine de plus en plus d’ampleur et de plus en plus de travail, ce n’est pas trop compliqué à suivre derrière ? En plus avec la fatigue des tournées…
Sylvain : Ce n’est pas compliqué parce que c’est vraiment un plaisir et puis c’est notre projet donc on bosse pour nous, donc ça c’est vraiment essentiel. Et puis on a eu la chance de toujours être indépendants, depuis nos débuts. Ca fait très longtemps qu’on est indépendants et ça veut dire que tu dois te démerder tout seul : il n’y a personne pour t’aider, il n’y a pas de super créateur de clip ou de super graphiste qui t’appelle en te disant « ouais j’aimerais bien bosser pour toi ». Donc on s’est toujours démerdés avec nos proches etc. Et on a appris tout seul plein de trucs ; on a appris tout seul à gérer notre groupe et donc aujourd’hui on a cette faculté d’être toujours indépendants, de savoir un peu tout faire tout seul.
C’est un désir aussi de vouloir, en tout cas dans la création c’est hyper important pour nous. Ce qui est une condition aussi de signer en major, de garder la production de l’album à savoir qu’on fait ce qu’on veut, quand on veut. C’est un point assez essentiel je trouve.

D’ailleurs on vous voit très souvent jouer dans vos clips, c’était un désir de vous mettre en scène ?
Sylvain : C’est nous qui avons écrit nos clips à part le dernier donc c’était une volonté de notre part de nous mettre en scène même si on est de très mauvais acteurs (rires), on continue d’apparaître quand même. Je trouve que c’est bien quand même, on est nombreux donc on peut mettre un visage sur un nom et ça on va le multiplier je pense à l’avenir et on va surtout arrêter d’écrire nos clips (rires).
« Emmène-moi » par exemple on a fait appel à une équipe qui s’appelle CAPSUS. Le dernier clip était tout imaginé par le réalisateur, on a rien préparé et c’est la première fois où on se disait « vas-y, qu’est-ce que t’as dans la tête » et donc on va faire comme ça parce que ça a bien marché, c’est mon préféré.

En écoutant votre dernier album, on a trouvé qu’il était différent et qu’il faisait plus pop/électro et il fait moins orchestral qu’avant, c’était plutôt une évolution pour vous ou une envie de faire ce que vous aimez ?
Sylvain : comme le premier et comme le second, on a fait vraiment ce qu’on voulait mais c’est vrai que nos goûts musicaux ont changé et c’est l’âge, on s’est clairement calmés : le premier album était beaucoup plus rock, festif, hyper énergique et là il est beaucoup plus mélancolique, beaucoup plus posé et c’est vrai que c’est plutôt ce qu’on écoute en ce moment. En fait on fait la musique qu’on aimerait bien écouter à la radio ou chez nous, nous on le voit comme ça.

Qu’est ce que vous écoutez du coup en général ?
Sylvain : C’est très très vaste. Moi j’écoute beaucoup de rap, c’est pour ça d’ailleurs qu’il y en a dans le troisième album. J’écoute que de la chanson française. N’ayant pas trop la compréhension de l’anglais et même de l’espagnol, je suis très attaché à la langue française, enfin en tout cas à la poésie et du coup j’écoute beaucoup de rap français. Par exemple en ce moment j’écoute Hugo TSR, Dooz Kawa pour en citer que 2 parce qu’il y en a plein et après en chanson française j’écoute Mathieu Boogaerts, Philippe Katerine. Après on est vraiment tous différents : il y en a qui écoutent beaucoup de rock, de reggae, de métal, beaucoup de jazz, du classique et du coup on se fait passer plein de trucs et c’est ça qui fait la richesse de l’album et du groupe.

En parlant du dernier album, vous avez repris la tournée il y a peu, comment réagit le public ?
Sylvain : Aujourd’hui demain et après-demain c’est complet. Ça fait à la fois bizarre et super plaisir. Bizarre de voir qu’il y a des gens qui payent pour venir te voir et ça veut forcément dire que chez eux ils écoutent ça. Et puis ce qu’on a enregistré ensemble, chez nous, ça parle à plein de gens en fait, ça ça fait bizarre mais c’est une fierté aussi.
C’était un grand pari pour nous ce troisième album de le faire tout seul et c’était quitte ou double : soit on se disait « les gars, vous n’êtes pas capables de faire tout, tout seuls » et on se disait « c’est vrai » et là le fait que ça marche encore mieux que les deux précédents, c’est une fierté. Bien sûr, on se remet tout le temps en cause donc on n’est pas en train de s’enflammer du tout mais on se dit que c’est cool. C’est la première fois de notre vie que les salles sont complètes donc ça veut dire que ça progresse en tout cas de la bonne manière (rires). On a de plus en plus de festival, aux meilleures horaires en plus… Ce qui est cool c’est de voir objectivement que ça avance dans le bon sens.

Et toi, tu préfères les salles ou les festivals ?
Sylvain : moi je préfère les concerts en salle parce que t’as vraiment le temps vu que t’es en tête d’affiche. T’as 1h30/1H45, tu sais que les gens viennent pour toi, tu peux parler, tu peux prendre le temps, on fait des morceaux très calmes. En festival, on joue que des morceaux qui envoient, on ne parle pas beaucoup parce qu’on a moins de temps. Par contre je préfère les festivals dans le sens où c’est l’été et c’est mortel : c’est l’été, il fait super beau, on rencontre plein d’artistes, on matte 10 concerts par jour, c’est le rêve (rires). J’aime les deux du coup.

On a vu que vous avez fait une collaboration avec Ska-P, comment s’est passée la rencontre ?
Sylvain : notre batteur Ivan qui est de Madrid, il a travaillé longtemps avec Ska-P en fait, il était technicien batterie de Ska-P donc il connaissait très bien les gars et nous Ska-P on les a croisé plein de fois il y a 3 ans sur les festivals. Quand on lui a proposé la chanson « Quiero soñar » il a dit « oui bien sûr, carrément ». A chaque fois qu’on a fait un featuring ou un duo, ça a tout le temps été le fruit d’une rencontre. On a jamais, d’ailleurs ça serait bizarre, demandé un duo à quelqu’un qu’on ne connait pas, ça peut arriver. Je sais qu’on a demandé à Stromae un jour mais on savait très bien qu’il allait dire non. Zaz, Tryo, Ska-P… Ca a tout le temps été des rencontres.

Toi qui aimes le rap, tu aimerais faire un featuring avec un rappeur ?
Sylvain : Bien sûr. Après je dis que j’aime le rap en soi parce que j’écoute beaucoup de rap mais des featurings j’aimerais en faire avec plein de gens. Après ça dépend pas que de moi, si je propose aux autres de faire un featuring Delerme et Hugo TSR ils vont me regarder et me dire « ouais mais, fais –le tout seul » (rires). Eux ils me diront « moi j’aimerais bien avec Chris Martin et Rihanna » et moi je serai là « Euh… ouais ». Après je serai hyper content quand même (rires).
C’est ça la richesse du groupe, on est beaucoup et du coup on mélange plein de styles.

Tu aurais un live qui t’as marqué ?
Sylvain : Le concert au Trianon à Paris, le 20 novembre, 7 jours après les attentats. C’était la réouverture des salles à Paris et du coup c’était vraiment hyper particulier et c’était un des concerts les plus forts qu’on ait jamais fait avec une ambiance incroyable, comme on n’a jamais vu à Paris parce qu’à Paris, c’est pas non plus la folie. Ce n’est pas forcément le public le plus chaud et là c’était vraiment incroyable. En terme d’émotion et d’ambiance, c’était assez symbolique en fait. Il y avait des gens très heureux d’être là, d’autres qui avaient super peur, mais ils étaient quand même là et c’était fort.

Vous faites une date à l’Olympia, impatients ?
Sylvain : Ouais c’est le 16 juin. C’est la plus grosse date de la tournée parce que c’est une salle de presque 3000 personnes donc c’est la plus grosse salle qu’on aura faite. Pour l’instant on la prépare en essayant de voir qui pourrait venir en fait, pour nous accompagner sur 2/3 morceaux. On a appelé pas mal de potes comme Vianney mais on verra, on va la préparer comme les autres.
C’est une salle comme les autres, on sera juste à Paris avec des professionnels de la musique, des journalistes, des mecs soi-disant « importants » sûrement (rires). On s’appliquera, on essaie de faire au mieux tout le temps de toute façon. On est des gros bosseurs, on est assez perfectionnistes et donc tous les soirs après le concert, on regarde et on écoute le concert et dès qu’il y a une idée qui va pas, on le dit.

A quoi te fais penser le mot Pedromadaire ?
Sylvain : Ca me fait totalement penser à un dromadaire déjà (rires). Dromadaire, que j’ai eu la chance de monter dans le Sahara. Ca me rappelle mon meilleur voyage, le Maroc. C’est hyper positif pour moi. Après Pedro je n’en connais pas et je n’ai jamais été à Madère (rires).

Crédit photo : Mesh Photography