Avec son album « How Strange To Be Anyone ? » sorti en septembre 2022, Thomas Guerlet arpente les salles de concert françaises, qu’elles soient remplies sous son nom, ou en première partie d’artiste.
Tu as joué à La Boule Noire qui était complète, même chose pour la Maroquinerie. Comment vis-tu, en tant qu’artiste, le fait qu’une salle de concert soit remplie pour toi ?
C’est magique. C’est juste extraordinaire. Je me mets à la place des gens qui ont payé 21 euros chacun pour venir me voir en concert. C’est dingue. Je suis très ému et très fier. C’est une étape importante qui confirme que je n’ai pas travaillé dans le vent, et que tout avait du sens. C’est le début d’un tout nouveau chapitre.
Comment as-tu travaillé ton show scénique ?
Sur l’album, je joue tous les instruments, et c’est moi qui l’ai produit. Il me fallait trouver les musiciens et réussir à les convaincre de venir jouer avec moi. Je suis très bien entouré, j’ai énormément de chance. Sur certains morceaux, Noé, Adam et Robinson m’ont vachement aidé sur les orchestrations, avec de multiples essais. Le travail à plusieurs était très agréable. Quand une chanson est jouée sur scène, elle renaît.
Tu es un artiste multiinstrumentiste. Y en a-t-il un que tu affectionnes plus que les autres en live ?
Quand je fais des premières parties, je suis toujours au piano. Quand je suis avec le groupe, j’oscille entre le piano et la guitare. La batterie était mon premier instrument, mais je n’en ai pas joué depuis très longtemps. Je ne tiendrais pas le coup si je devais en jouer en live.
C’était un souhait de réaliser ton album How Strange To Be Anyone ? de A à Z ?
Au départ ce n’était pas un souhait. J’ai commencé à faire de la production, car personne ne souhaitait produire pour moi. J’ai appris plusieurs instruments afin de pouvoir les jouer, donner des directives ou avoir une idée de ce que ça représente. En fait, ça s’est fait de manière instinctive. Pour cet album, j’avais la volonté de produire quelque chose de personnel et qui me ressemble le plus possible. Je voulais être présent sur toutes les étapes. J’ai fini par le faire tout seul. Pour le second album, je pense que je m’entourerai. J’ai toujours tendance à penser que l’on n’écrit pas un bouquin à deux. Il faut que ça vienne d’une seule idée, d’un seul cerveau.
« La musique, c’est le partage et la cohésion, comme une magie qui se passe lorsque l’on discute avec des instruments. »
Thomas Guerlet
Tu as une préférence entre la scène ou le studio ?
Pour moi, la scène et le studio ne sont pas le même métier. Ce sont deux mondes complètement différents que j’adore. En tant que consommateur de musique, je préfère le studio. Je préfère écouter des albums enregistrés en studio plutôt que voir les artistes en live.
J’aime de plus en plus jouer en live. La musique naît, elle vit. Être musicien, ce n’est pas s’enfermer seul dans une pièce. La musique, c’est le partage et la cohésion, comme une magie qui se passe lorsque l’on discute avec des instruments.
Peux-tu parler plus en détails de Michel Legrand et Khadja Bonet, deux artistes que tu apprécies ?
Mon père écoutait beaucoup Michel Legrand. Quand j’ai commencé à m’intéresser à la musique dite savante, vers 16/17/18 ans, j’ai commencé à m’intéresser au jazz, à la musique classique et au travail des harmonies, des mélodies et de l’orchestration. Michel Legrand est un personnage à part entière. D’un côté il écrit des chansons absolument fabuleuses, et de l’autre il gère d’une main de maître l’orchestration. J’ai eu une obsession pour lui, plus particulièrement pour son travail sur les films de Jacques Demy, mais aussi les chansons écrites à côté. Il y a une certaine poésie mêlée à une grande technique qui m’impressionnaient, et m’impressionne toujours. Michel Legrand est un vrai grand musicien, outre le fait d’être un grand compositeur.
Ce qui m’intéresse dans le travail de Michel Legrand et Khadja Bonet, c’est l’audace dans les orchestrations. L’album The Visitor est complètement dingue, que ce soit les cordes, les arrangements, les structures des chansons, sa voix, les mélodies. Tout est beau, délicat et léché. L’utilisation des cordes est très impressionnante.
Tu évoques le jazz, quels jazzmen t’inspirent ?
J’aime beaucoup le cool jazz, que ce soit Chet Baker, Miles Davis ou Thelonious Monk. J’aime la grâce, la beauté et une certaine simplicité dans le jazz. Dans cette musique, le calme se mêle à la violence.
D’un autre côté, j’aime beaucoup les Big Band, avec des orchestrations grandiloquentes, comme celles sur les disques de Sinatra.
Enfin, j’aime beaucoup le travail d’Eugen Cicero et Jacques Loussier qui ont adapté en jazz des grands airs de la musique classique. Cette musique fait beaucoup de bien au cerveau.
Tu continues d’écouter toujours autant de musique, même si tu en composes ?
J’en écoute toujours autant, mais j’en découvre moins. La musique est une drogue inconditionnelle. Je consomme de la musique comme un adolescent. Le matin, le premier truc que je fais c’est de mettre une chanson afin d’avoir des harmonies qui me parsèment les oreilles. Je ne peux pas marcher dans la rue sans musique.
Ma chanson du matin, c’est la dernière chanson que j’ai écoutée la veille.
Cette nuit, j’ai fait un rêve où j’écoutais une chanson d’un album de Raphaël qui s’appelle Et dans 150 ans.
Tu as déjà sorti des clips, mais ça fait longtemps que tu n’en as plus fait. Y en a-t-il de nouveaux de prévus ?
J’ai fait des études de vidéo. J’aime trop le cinéma pour en faire du mauvais. Faire un clip coûte beaucoup d’argent et demande énormément d’énergie. Je suis exigeant envers moi-même et envers les autres. Je peux facilement être déçu par le résultat.
Pour The Derailer, j’avais imaginé tout un concept qui était dur à réaliser. C’est un plan-séquence en reverse slow-motion. J’ai trouvé le résultat décevant alors que j’ai travaillé dessus assez longtemps.
Je préfèrerais faire du cinéma que des clips. Je préfèrerais raconter une histoire à travers des images. Faire un clip seulement pour accompagner une musique ne m’intéresse pas vraiment.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
De continuer à faire des concerts, écrire de belles chansons et partir en voyage afin de quitter un peu Paris.
Où souhaites-tu partir ?
Je ne sais pas exactement. Là où il fait chaud. Dans un endroit avec une qualité de vie plus simple, comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal.