À la radio, sur scène ou en podcast, Fanny Ruwet est une touche-à-tout. Entre une représentation de son spectacle et un jogging dans les rues de Bruxelles, l’humoriste belge a répondu à nos questions.
Bon anniversaire Jean, c’est l’histoire d’un anniversaire auquel tu n’étais pas invitée. Pourquoi avoir basé ton spectacle sur une telle anecdote ?
Car c’est une histoire cocasse, que j’ai digéré depuis le temps. J’aime bien que ce soit des histoires personnelles que je raconte. J’ai pas envie que les gens qui viennent entendent des histoires déjà entendues partout. « Olalala, les relations amoureuses c’est compliqué », ça, n’importe qui peut le dire. Alors qu’il n’y a pas grand monde qui s’est déjà fait inviter à un anniversaire par erreur.
D’ailleurs, tu précises bien que c’est une histoire vraie…
Oui, en général les gens n’y croient pas. Souvent quand c’est trop ridicule, c’est difficile à croire, comme avec mes phasmes de compagnie.
D’où te viens ta passion pour le malaise ? Car on sent que tu prends un certain plaisir à voir le public mal à l’aise…
J’aime bien l’entredeux : c’est marrant, mais c’est bizarre. Les gens ne savent jamais comment réagir et c’est très marrant de jouer avec leurs ressentis et leurs émotions. Je trouve ça drôle, mais est-ce que j’ai le droit d’en rire ? Est-ce que je ne vais pas être bizarre de rigoler à ça ? Un public qui ne sait pas comment réagir, c’est vraiment hilarant.
« L’actualité, c’est quelque chose qui m’oppresse et je préfère m’en détacher. »
Et plus globalement, d’où te viens cet attrait de comprendre et saisir les émotions humaines ? Que ce soit par ton spectacle, mais aussi dans ton podcast Les gens qui doutent…
J’ai besoin de comprendre mes émotions pour me sentir bien. Comprendre d’où elles viennent, pourquoi je les ressens, comment les gérer… Puis comprendre les émotions, c’est comprendre ce que les gens vivent, et donc faire preuve de compassion.
Quand j’ai vu ton spectacle, il y a eu quelques instants d’improvisations, durant lesquels tu interpellais des gens du public. C’est un exercice que tu aimes bien ?
Eh bien non, j’aime pas trop ça. Je ne pense pas être une personne très spontanée. Mais maintenant que le spectacle roule vraiment bien, je peux me permettre de sortir un peu du cadre. J’arriverai à toujours retomber sur mes pattes. Je le fais si je sens qu’il y a une bonne ambiance.
Que ce soit à la radio, quand tu fais des sketchs ou dans ton podcast, faire preuve d’empathie est un élément clé ?
Pour le podcast c’est nécessaire. Si tu n’as aucune curiosité de l’autre, c’est pas la peine. Pour les chroniques radio et le spectacle, je ne me suis jamais posé la question, mais si tu ne fais pas preuve d’empathie, les gens ne se reconnaitront jamais dans ce que tu fais, et ça va moins résonner en eux.
D’ailleurs, en parlant de radio, tu as vécu comment ta première chronique à France Inter ?
Étrangement bien. Je m’étais dit « Au pire ça foire et tu n’en refais plus jamais ». Elle était écrite depuis plusieurs jours, ce qui me rassurait. J’étais beaucoup plus stressée à la suivante. Il n’y a plus l’excuse de la première fois.
Comment on se sert d’une actualité, qui est souvent loin d’être drôle, pour écrire une chronique ou pour simplement en rire ?
Personnellement, je ne me sers jamais de l’actualité car j’ai toujours peur de dire des choses fausses ou incorrectes. Je préfère parler de moi, plutôt que de m’attaquer à des thématiques qui me dépassent ou que je ne maitrise pas. Par exemple, je n’aborderai pas le cas Zemmour. En fait, l’actualité, c’est quelque chose qui m’oppresse assez rapidement, et je préfère m’en détacher.
Tu es aussi très active sur les réseaux sociaux, ils ont une place dans ton processus d’écriture ?
Oui ! Surtout Twitter. (@FannyRuwet) Parfois je balance une vanne, et si elle fonctionne, je la travaille. Ça permet un peu de prendre la température et de voir si les gens se reconnaissent. À l’inverse, parfois je poste des choses que j’estime hilarantes, pour au final me prendre un bide. En tout cas, les réseaux sont une autre manière de faire des blagues, et j’aime vraiment ça.
Sur Twitter, justement, il y avait eu l’affaire de Nagui qui serait l’auteur des mutilations de chevaux en France survenues entre janvier et août 2020. Tu es chroniqueuse à la Bande Originale sur France Inter, émission qu’il présente. Vous en avez parlé ?
Il était dépassé par les évènements. C’était de l’incompréhension. Comment quelque chose d’aussi ridicule a pu prendre autant d’ampleur. Mais je pense que ça ne doit pas être très agréable qu’un pays entier t’accuse d’avoir mutilé des animaux.
Tu as une préférence dans toutes les activités que tu exerces ?
Je les aime toutes comme mes enfants (rires). Je pense que ce que je préfère faire, c’est les podcasts. C’est le projet que je mène qui me ressemble le plus et dans lequel j’ai le plus de libertés. Ils ne doivent pas être forcément drôles, ni tristes, ni sérieux. Chaque podcast s’adapte à mon humeur et à celle de mon invité. En radio et sur scène, tu as obligation d’être drôle. Et puis, ce podcast m’a fait rencontrer énormément de gens adorables, certaines personnes font même partie de mes meilleur.e.s. ami.e.s.
S’il fallait conseiller une émission de ton podcast Les gens qui doutent pour le faire découvrir à quelqu’un, laquelle conseillerais-tu ?
Ca dépend du mood ! Pour de l’optimisme, Morgane Cadignan, pour une émission drôle et triste, Eva Bester ou Sophie-Marie Larrouy.
Dans une de tes nombreuses autres activités, il y a également eu la création du site d’actualités culturelles La Vague Parallèle. Tu es toujours une grande consommatrice de musique ?
Je dois me confesser : j’en écoute beaucoup moins qu’avant. J’écoute des podcasts quand je vais courir, mais sinon j’ai tendance à écouter continuellement les mêmes albums en boucle. J’essaie de m’y ré-intéresser. Avoir un peu de musique en fond sonore c’est plus du tout une habitude. Mais dans Les gens qui doutent, je reçois de plus en plus d’artistes musicaux, comme Pomme ou Soko, donc j’en réécoute !
En fait, tu préfères être écoutée que vue ?
Oui, largement ! Il y a tellement plus de choses qui passent par l’audio. Et puis, je ne suis pas quelqu’un de très à l’aise dans l’espace. J’aime bien ne pas avoir à me soucier de ce à quoi je ressemble, et de vraiment me concentrer sur le contenu que je produis, ce que j’ai envie de dire. Puis les gens imaginent, c’est important d’imaginer. Ils peuvent m’imaginer de plein de manières possibles.
Si on a déjà vu ton spectacle, écouté tes podcasts et regardé toutes tes chroniques, vers qui nous conseillerais tu de jeter un oeil ?
Étant belge, je trouve qu’il y a une putain de belle génération d’humoristes belges qui arrive. Lisa Delmoitiez, par exemple, que je trouve hilarante, je sens qu’elle va exploser de fou. Puis en France et en Suisse il y a Morgane Cadignan ou Marina Rollman qui sont hyper drôles. Vraiment de très chouettes personnes à suivre en francophonie pour l’instant. Mais bon, si une de mes chroniques sort et que vous regardez l’une des leurs, quittez la pour regardez la mienne.