Après avoir co-réalisé Tout simplement noir avec Jean-Pascal Zadi, John Wax est de retour au cinéma avec En tongs au pied de l’Himalaya, adapté du seul en scène et du podcast de Marie Odile Weiss. Nous avons rencontré le réalisateur, ainsi qu’Audrey Lamy et Benjamin Tranié, qui jouent dans le film.

Est-ce qu’un seul en scène et un podcast sont de bons matériaux à adapter au cinéma ?

John Wax : On s’est davantage basé sur le seul en scène dans lequel Marie-Odile raconte sa vie, de l’arrivée de son enfant jusqu’à aujourd’hui. Marie-Odile est une amie. Elle m’a invité à la première de son spectacle, et à la seule représentation d’ailleurs, car dès le lendemain, les salles ont fermé à cause du COVID. J’ai été touché, j’ai ri, j’ai pleuré. Il y avait tout pour faire un bon film. Dès que je lui ai proposé de l’adapter, elle a accepté, et nous avons écrit ensemble.

Il a donc fallu créer tous les personnages autour de cette base scénaristique ?

J.W. : Le film parle de la vie de Marie-Odile, mais j’y ai aussi mis un peu de ma vie. Je me retrouve dans le personnage joué par Benjamin, mais aussi dans certaines caractéristiques du père.

Comment arrive-t-on à faire une comédie sur un sujet aussi grave que le trouble du spectre de l’autisme chez l’enfant ?

J.W. : C’est un travail qui se fait à toutes les étapes du film, de l’écriture au montage. Il ne faut pas que le handicap devienne une blague, sans pour autant faire un film plombant. Ce n’est pas que de la souffrance. Il y a des moments de gêne, d’amour, de rires, avec des petites victoires du quotidien.

Et en plus de l’évolution de l’enfant, le film aborde la question d’être mère d’un enfant ayant un TSA.

Audrey Lamy : Mon personnage apprend à devenir mère grâce à son petit garçon. Elle n’a pas le choix. Elle se retrouve au pied d’une montagne immense. Ce qui m’a plu, c’est qu’on aborde un tel sujet sans être étouffé. Il y a de la réflexion et de l’empathie. John a réussi à trouver de vrais moments d’émotion en y injectant des moments de comédie. Tout est amené avec intelligence et douceur, en se concentrant sur les personnages.

Benjamin Tranié : Lors de la première projection avec l’équipe, John a demandé si l’ambiance du film n’était pas trop pathos. Les parents qui vivent une telle situation ne sont pas dans le pathos ; il était donc important de ne pas être larmoyant. Les familles ne doivent pas être accablées.

A.L. : Le rire est un moyen de survie qui aide à passer des caps.

Audrey, comment avez-vous réagi lorsque John vous a envoyé le scénario ?

A.L. : Je ne m’attendais pas à ce que John me propose un tel projet, vu qu’il avait travaillé sur des comédies comme Pattaya, Tout simplement noir ou Coexister. Quand j’ai lu le scénario, j’ai été happée par l’histoire de cette mère. Je suis maman de deux enfants, donc ça m’a beaucoup touchée. Ça a été un vrai coup de cœur dans lequel je pouvais passer du rire aux larmes en tant qu’actrice.

Est-ce qu’en tant qu’actrice ou acteur, il est possible d’éprouver une appréhension face à ce genre de rôle ?

A.L. : Quand c’est bien raconté, on ne ressent pas d’appréhension. Si on y croit, on y va.

B.T. : Marie-Odile était présente sur le tournage et veillait à ce que chaque acteur soit le plus crédible possible. Je n’étais pas stressé, car je savais qu’elle était là et qu’elle n’hésiterait pas à nous dire si ça n’allait pas.

J.W. : Nous avons beaucoup retravaillé les textes ensemble. Audrey a créé des scènes et remodelé des séquences. C’est un beau travail collaboratif.

Pauline, le rôle que vous interprétez, Audrey, fait des erreurs, mais le spectateur ne la juge jamais négativement.

A.L. : Oui, le spectateur apprécie le personnage au fil du film. Au début, on peut facilement la juger, mais petit à petit, on apprend et évolue avec elle, et on se rend compte qu’on ne ferait pas forcément mieux à sa place.

Benjamin, quelles ont été vos inspirations pour construire votre personnage de Valentin ?

B.T. : J’aime bien les personnages un peu losers, qui peuvent mettre mal à l’aise. Ce sont des mecs maladroits dans le dialogue, parfois trop bruts. J’ai ajouté quelques éléments comiques au personnage de Valentin.

A.L. : Benjamin est fascinant, il a le rythme de la comédie. Une vanne écrite peut ne pas sembler drôle, mais quand Benjamin la joue, elle l’est tout de suite. Valentin est un vrai personnage de composition, notamment dans son attitude.

J.W. : Il a quelque chose de très attachant. C’est un gentil imbécile à qui l’on pardonne tout.

A.L. : Dans le film, les personnages sont portés par l’amour. Même s’ils peuvent paraître odieux, ils sont toujours rachetés par une certaine sympathie.

Et est-ce que vous prenez autant de plaisir à jouer des personnages au cinéma qu’à la scène ?

B.T. : L’exercice n’est pas le même. Avant de jouer dans des films, on m’avait dit que j’allais m’ennuyer, car sur les tournages il faut beaucoup attendre. Heureusement, mes expériences n’ont pas été comme ça. Pour ce film, John a été hyper fédérateur, et tous les membres de l’équipe étaient heureux de se retrouver chaque matin.

Eden Lopes, qui interprète Andrea, est épatant. A-t-il été question de tourner avec un enfant réellement autiste ?

J.W. : C’était impossible à cause des situations de crise dans le scénario ; ça aurait été de la maltraitance. Nous avons rencontré des enfants autistes, mais engager un comédien s’est imposé à nous. Nous avons beaucoup travaillé avec Joan Borderie, coach pour enfant, et Eden a rencontré le fils de Marie-Odile. Sur le plateau, il a été incroyable, je lui parlais comme à n’importe quel comédien. C’était parfois plus compliqué avec Benjamin.

A.L. : Nous avons eu une chance inouïe de l’avoir, car le film repose sur lui. Si le spectateur ne croit pas en son jeu, rien ne marche.