À l’occasion de la sortie en salle du film Une affaire de principe, qui retrace le combat de José Bové contre les lobbys du tabac au sein du Parlement européen, nous avons rencontré Céleste Brunnquell, Bouli Lanners, Antoine Raimbault et José Bové.

Antoine, pourquoi avez-vous souhaité adapter l’enquête de José Bové sur les lobbys du tabac ?

Antoine Raimbault : Je faisais des recherches sur les lobbys pour un autre projet et je suis tombé sur l’affaire John Dalli. Cette affaire condense les thèmes qui m’intéressent car je souhaitais faire un “thriller de bureau” autour de lobbys. J’ai découvert l’omniprésence de José Bové en raison de son enquête. Avec Marc Syrigas, co-scénariste, nous y avons vu un personnage de cinéma. Nous aimions le fait de découvrir les coulisses de l’institution européenne.

Ensuite, notre rencontre avec José Bové a été déterminante. Malgré le sérieux du sujet, il garde continuellement le sourire. C’est un homme de terrain qui vient du syndicalisme. Il est libre, tout en étant singulier.

Comment avez-vous investi le Parlement européen d’un point de vue cinématographique ?

A. R. : Nous avons été encadrés par les équipes du Parlement qui ont tout de suite accepté le projet après avoir lu le scénario. Le Parlement a la culture de la transparence. Ce n’est pas étonnant que l’administration accepte un tournage cinématographique. En termes de forme filmique, nous devions trouver de quoi faire du film un thriller. L’objectif était de ne rien sacrifier au rythme. Le Parlement est un personnage à part entière. Les décors sont fondamentaux dans le film. De plus, c’est un lieu codé. La position d’une personne dans l’hémicycle ou sur l’estrade raconte quelque chose d’elle, ce qui est passionnant cinématographiquement. Enfin, nous devions réussir à rendre spectaculaire une simple scène de dialogues.

José Bové : Tourner au Parlement européen, c’est comme tourner un western dans la Sierra Nevada. Le spectateur sait directement où évoluent les personnages.

A. R. : Il y a d’ailleurs un côté western dans le film entre José Bové et José Barroso.

Pour incarner José Bové, Bouli Lanners semblait être une évidence.

A. R. : J’ai tout de suite pensé à lui. Cependant, ce n’est pas rien d’interpréter quelqu’un de vivant et aussi engagé. Ça peut être intimidant. Je suis persuadé que de nombreux comédiens n’auraient pas assumé. Quand ils se sont rencontrés, un désir de travail est né, avec une vraie générosité de la part de José qui nous a donné les clés pour travailler ce bout de son histoire.

Bouli Lanners : Avant notre rencontre, je connaissais tout de José, sauf son intime. Arriver dans le Larzac chez José Bové pour le rencontrer n’était pas anodin. C’est un lieu chargé d’histoire politique, avec des espaces de lutte. C’était une arrivée très cinématographique, chez le chaman José. Dès que nous avons échangé, tout est devenu très humain, tout s’est fait naturellement.

Bouli Lanners, vos choix cinématographiques sont réfléchis, et souvent politiques. Est-ce que la responsabilité est plus forte lorsque l’on incarne José Bové ?

B. L. : Oui, car c’est un personnage connu de toutes et tous. J’ai perdu un peu de poids pour le film car je n’ai pas le même physique que José. Ce qui est drôle, c’est que la moustache de José a fait de lui un homme un peu massif dans l’inconscient collectif. Initialement, j’avais peur d’être ridicule. Je ne souhaitais pas le trahir.

José, quelle a été votre réaction lorsqu’Antoine vous a proposé d’adapter au cinéma votre combat contre les lobbys du tabac ?

J. B. : La première personne à m’avoir parlé du projet est Robert Guédiguian. Bouli et Antoine sont venus passer un week-end chez moi, ce qui m’a directement mis en confiance. J’avais vu Une intime conviction, le premier long-métrage d’Antoine, ce qui m’a également rassuré. Enfin, j’ai été convaincu en lisant le scénario car le sujet a été creusé et ces années de lutte ont été parfaitement résumées.

Dans Une affaire de principe, Bouli incarne un combat qui est également le sien, et il le met à disposition des spectateurs. Je suis presque jaloux de lui. En voyant le film, j’avais envie d’être lui ! Enfin, le personnage de Céleste incarne l’avenir, ce qui est magique. L’histoire racontée n’est plus seulement mon histoire, elle devient intemporelle et appartient à tout le monde.

Céleste, que connaissiez-vous de José Bové avant le tournage du film ?

Céleste Brunnquell : Je connaissais sa moustache et sa pipe, et j’avais vu le documentaire Tous au Larzac. Je savais que José était une figure politique importante, mais je ne savais pas qu’il avait été eurodéputé.

Clémence, la stagiaire que vous incarnez, est un personnage clé car elle permet de rouvrir l’enquête, alors que tout le monde semblait avoir baissé les bras. Comment l’avez-vous appréhendé ?

C. B. : Son insouciance lui fait dire que tout est possible. C’est un personnage ancré dans sa génération dans lequel je me suis retrouvé. Les combats évoqués dans le film me touchent. J’étais intéressée par les caractéristiques du personnage qui différaient de moi, comme son côté obsessionnel. Par contre, que ce soit mon personnage ou moi, il était essentiel de se faire une place dans un milieu essentiellement masculin. Heureusement, comme je travaille essentiellement sur des projets avec peu de moyens, beaucoup de femmes sont cheffes de poste, étant donné qu’elles sont moins payées. Pour les plus gros projets, les places les plus importantes étaient la plupart du temps occupées par des hommes de plus de 50 ans.

Antoine, pourquoi avez-vous pensé à Thomas VDB pour incarner Fabrice, l’assistant de José ?

A. R. : J’avais vu Claire Andrieux de Olivier Jahan, et je me suis dit que proposer à Thomas le rôle de Fabrice était une super idée. C’est un acteur qui évolue sur un double rythme, entre lassitude et rythme effréné. En buvant des bières avec Thomas, j’ai compris qu’il était l’acteur parfait.

Condenser deux années de travail avec un sujet aussi complexe était un réel challenge.

A. R. : Il était essentiel de ne rien sacrifier au rythme. Il fallait faire exister un an et demi de travail en une heure et demie ce qui, initialement, n’était pas facile en raison des nombreux dossiers annexes. C’était un véritable jeu de construction, en assumant la densité et la complexité des dossiers.