Après La colline où rugissent les lionnes, sorti en 2021, Luàna Bajrami continue de s’intéresser de questionner la jeunesse kosovare dans Notre monde. Le film sort en salle le 24 avril.
Notre monde est un prolongement de ton premier film, La colline où rugissent les lionnes. Pourquoi ce souhait de continuer de dresser un portrait de la jeunesse kosovare ?
Dès le premier film j’envisageais un diptyque voire un triptyque sur la jeunesse tant le sujet est vaste. La jeunesse mérite d’être documentée et d’être mise en lumière. C’est naturellement que cette seconde histoire est née.
Quelles sont tes sources d’inspiration, notamment pour imaginer les deux personnages que sont Zoé et Volta ?
J’ai découvert des VHS familiales pendant le confinement. J’ai découvert trente ans d’archives familiales avec mes oncles et mes tantes. Le film reste une fiction, mais le scénario part de ces archives. Les deux personnages sont des mélanges de récits et de conversations que j’ai pu avoir. J’ai imaginé Zoé et Volta de manière instinctive.
Comment as-tu casté Albina Krasniqi et Elsa Mala, qui interprètent respectivement Volta et Zoé ?
Le processus a été long et expérimental. Au Kosovo, il n’existe pas de cadre autour du casting de cinéma. J’ai rencontré de nombreuses personnes suite à un appel. Certaines personnes avaient envie d’être actrices, d’autres non. Pour Albina, ça a été une évidence. Pour Elsa, j’ai mis plus de temps car elle n’est pas actrice mais musicienne. L’enjeu était que le duo fonctionne, qu’il y ait une alchimie entre elles. Une fois vues ensemble, c’était une évidence.
Ensuite, il me fallait créer le reste du groupe qui a toute son importance dans le scénario. Ces personnages sont fort de sens, d’où mon envie de trouver des actrices et acteurs qui savaient parfaitement les incarner.
Les personnages oscillent entre espoirs et désillusions, notamment avec les difficiles conditions de travail à l’université. Est-ce que le pessimisme latent du film était souhaité dès l’écriture ?
J’avais ce désir de raconter la réalité, et malheureusement, elle ressemble à celle du film. Les jeunes font face à de l’impuissance, de la frustration et de la désillusion. Cependant, il existe une lueur d’espoir car la jeunesse a la vie devant soi. Ce n’était donc pas un désir dès l’écriture, mais en voulant documenter la réalité, le film a pris cette tournure.
Dans une interview, tu déclarais que lors de son indépendance, le Kosovo n’a pas fait le choix de la jeunesse. Quels ont donc été les choix du pays ?
L’avenir d’un pays est sa jeunesse. Elle est garante de la pérennité de la société. Malheureusement, lorsque le pays s’est reconstruit, la priorité était les infrastructures. Les individus sont venus dans un second temps.
Depuis son indépendance, le Kosovo cherche à développer son cinéma. Quel est ton rapport au cinéma kosovar ?
L’industrie du cinéma au Kosovo est en plein essor, et je suis pleinement inscrite dedans. De plus en plus de films se font. Désormais, les scénarios se détachent du thème de la guerre pour s’intéresser à la vie kosovare actuelle. Des films et des cinéastes sont parvenus à s’exporter, comme La Ruche, de Blerta Basholli, qui a remporté trois films au festival de Sundance en 2021.
Quel a été le déclic pour devenir réalisatrice ?
Je pense que ça a été le premier tournage sur lequel j’ai été, à savoir Le Choix d’Adèle d’Olivier Guignard, un téléfilm pour France 3. C’est ce jour-là que j’ai découvert la fabrication d’un film, et j’ai été directement fascinée.
Quand on est réalisatrice, on accompagne la fabrication d’un film de A à Z, ce qui est passionnant. On découvre l’envers du décor, bien plus que lorsque que l’on est actrice. Par ailleurs, mettre en image ce que l’on écrit est un réel défi. La réalisation m’anime et me rend heureuse.
Notre monde est produit par le duo Eric Tolédano / Olivier Nakache, que tu as rencontré lors du tournage de Une année difficile. Le scénario a été un coup de cœur pour eux. Est-ce que tu sais ce qui leur a tant plu ?
Je pense qu’ils ont aimé ce que j’avais à dire de cette jeunesse, et la manière dont je le racontais. C’est un scénario spontané et brut. Mon culot les a aussi séduit car je suis sorti de nul part avec ce projet. Enfin, ils ont découvert cette région. L’aspect universel du scénario leur a plu car les questions soulevées dépassent les frontières du Kosovo.