Que ce soit dans les vagues de Nazaré, au Groenland, dans un phare ou sur un bateau, Molécule compose partout où il peut. Pour son nouvel album, RE-201, le compositeur de musique électronique s’est rendu à Kingston, en Jamaïque. Rencontre avec l’artiste, à l’occasion de sa tournée.

Quelques jours avant ton premier Olympia, la pression monte ?

Oui, la pression monte. On doit gérer toute une organisation qui cristallise notre attention et nos émotions. J’ai hâte.

Comment as-tu construit ton show scénique ?

Je viens du rock. Quand on jouait nos morceaux, il y avait de longues plages d’improvisation, tout en reconnaissant les morceaux, et c’est un peu la même chose aujourd’hui.

Toutes les machines que j’ai utilisées lors de la production de l’album m’entourent sur scène. J’ai une action sur chacune d’elle, avec la possibilité de revenir en arrière, de faire durer ou d’improviser. Le set-up du live m’a permis de mettre en place la technique du dub, qui m’est chère. La performance scénique est le grand défi de la musique électronique. Certains artistes ne prennent pas de risque, avec des bandes préenregistrées. Personnellement, je suis fier de ma configuration, avec une grande liberté, tout en pouvant facilement retrouver la conduite que j’ai initialement mise en place en cas de perte de contrôle. Le caractère des machines autour de moi est assez fort, il m’arrive d’être déconcerté.

D’une date à une autre, mon concert peut-être différent alors que la tracklist reste la même.

Tu viens du rock, et pour ton nouvel album tu t’es intéressé au reggae. Pourquoi le choix de ce genre musical ?

Ce n’est pas un album reggae. J’ai collaboré avec des artistes de reggae, et ce qui m’intéresse c’est la culture et le son jamaïcain. J’ai été influencé par les sorciers du dub jamaïcain comme Lee Scratch Perry, King Tubby, Mad Professor ou encore Scientist. Quand tu écoutes un morceau jamaïcain des années 70, il sonne comme aucune autre musique, avec des basses très fortes, des charleys qui te pètent à la gueule et la voix qui passe dans l’effet RE-201, d’où le titre de l’album. Au son jamaïcain j’ai mêlé la french touch, qui est motrice dans mon envie de faire de la musique et dans mon parcours.

Comment les différentes collaborations de ton album ont-elles vu le jour ?

J’ai discuté de mon projet avec des personnalités françaises de la musique. Petit à petit, je suis entré en contact avec d’autres personnes qui pointaient toutes vers la même personne à Kingston, dans un petit studio. En allant en Jamaïque, j’avais des envies, mais presque tout s’est fait sur place, en fonction des disponibilités.

Je suis resté 10 jours à Kingston, et j’ai passé des moments géniaux en studio. J’ai de quoi faire plusieurs albums avec tous les enregistrements réalisés là-bas.

Tu préfères travailler seul à l’autre bout du monde, ou collaborer avec d’autres artistes ?

Je n’ai pas de préférence. Toutefois, depuis une dizaine d’années, je pars seul avec mes machines et mes micros pour me confronter à des univers inconnus et extraordinaires et c’est ce dans quoi je me suis trouvé et ce dans quoi je m’épanouis. Mêler l’artistique, les rencontres et la découverte de soi fait que l’expérience est totale. Avec ce nouvel album, j’avais envie d’ouvrir une parenthèse un peu plus chaude, en mettant en place des collaborations et en partageant ce que je savais faire. Je me suis ressourcé pour mieux repartir en solitaire prochainement.

« La musique est un moyen de vivre des expériences extraordinaires. Jamais je n’aurais pensé rester 5 semaines dans un bateau en pleine tempête sur l’Atlantique. »

D’où te vient ce goût pour le voyage ?

Je ne suis pas très voyageur. Je suis davantage dans la découverte, dans l’aventure. J’aime l’idée d’aller dans des endroits où je n’irai pas sans un projet artistique. C’est la musique qui m’a permis de me retrouver au milieu des vagues géantes de Nazaré. Ces vagues sont interdites à tout le monde, sauf à une trentaine de surfeurs de haute voltige. Heureusement, je suis arrivé avec la bonne équipe.

La musique est un moyen de vivre des expériences extraordinaires. Jamais je n’aurais pensé rester 5 semaines dans un bateau en pleine tempête sur l’Atlantique. Et je pense que je n’en serais pas capable sans la musique. La musique me donne la force de me surpasser car ces expériences peuvent être éprouvantes humainement.

Finalement, tu es le Mike Horn de la musique électronique.

Pourquoi pas. Cependant, ce que je n’aime pas dans cette référence, c’est le côté viriliste. Je suis un aventurier, mais fragile. Je joue avec mes limites, et quand je reviens, je cherche à ramener une certaine sensibilité. Et puis, je suis incapable de faire ce qu’entreprend Mike Horn, même si je respecte ce qu’il fait. Si je devais me référer à un aventurier explorateur, ce n’est pas à lui que je penserais.

Outre le son, quelle place à l’image dans ta création artistique ?

Quand je suis parti sur le bateau en 2013, j’étais convaincu de la nécessité de l’image pour montrer le contexte de création de la musique. J’ai rencontré Vincent Bonnemazou et nous avons collaboré ensemble. Des émissions Thalassa ont été réalisées sur mon travail. J’ai été au Groenland avec lui, et nous avons également réalisé un film sur le Vendée Globe. Actuellement, on travaille sur le projet réalisé avec l’orchestre de Lille, enregistré en juin 2023.

Peux-tu nous parler de la pochette de RE-201, qui représente un dossier de Macbook ?

C’est une idée du studio H5, un studio de graphisme référencé French Touch qui a notamment travaillé sur Super Discount 3. Pour cet album, j’ai collaboré avec des artistes tels que Boombass, de Cassius, DJ Falcon ou encore Étienne de Crécy, d’où le travail avec H5.

Nous nous sommes rendus compte que tous mes projets se retrouvaient toujours dans un dossier d’ordinateur. C’est un choix radical, propre à l’électro actuelle, et je ne voulais pas tomber dans les clichés propres à la Jamaïque.

Qu’est ce que Molécule écoute ?

Ce matin, je me suis réveillé avec Meddle de Pink Floyd. J’écoute beaucoup le dernier album de Marc Melià, ainsi que Mirages de JB Dunckel et Jonathan Fitoussi. A côté de ça, j’écoute les Nocturnes de Chopin ou Bertrand Belin, et forcément du reggae. Et j’aime beaucoup Baladeur de Féfé, en featuring avec Akhenaton.

Tu as pour ambition de te tourner vers d’autres genres musicaux pour la création de tes futurs albums ?

Pourquoi pas. J’ai toujours collaboré avec des artistes ayant des styles différents. Je suis très ouvert. La musique se base sur des rencontres.