Après la sortie de son premier album « Bleu noir » totalement financé par ses fans sur Kisskissbankbank en octobre 2015, Georgio (en concert à la Rodia le 2 avril avec Le Bruit Qui Pense) nous a parlé de ce nouvel opus plus personnel, et plus à son image que jamais.
Rencontre avec de rappeur enragé au grand coeur.
Ton nouvel opus « Bleu noir » est sorti en octobre, il est beaucoup plus contrasté voir mélancolique que « A l’abri » et tes anciens projets. On sent que tu as calmé le mec enragé d’« A l’abri » je trouve. Est-ce que tu pourrais nous raconter comment est-ce que tu le ressens « Bleu noir » par rapport à tes anciens projets?
Ah ouais tu trouves ? Ben « Bleu noir » il est peut-être plus personnel même si ma musique a toujours été assez intimiste. Disons que c’est moi, mais en plus grand encore parce qu’il y a plus de titres et donc plus de pensées, plus d’avis différents, plus de contraste. Mais je ne crois pas qu’il soit moins enragé en fait, après c’est peut-être tu vois le cri de rage comme un rap un peu plus gueulard ou plus frontal mais pas forcément en fait, les mots peuvent l’être aussi.
Il est aussi plus personnel parce que tu nous parles d’Anatole, on sait que c’est ton frère et qu’il a joué dans le clip de « Rêveur » et tu nous parles aussi de Malik et Salomé, est ce que tu pourrais nous les présenter ?
Ouais carrément ! Anatole c’est mon petit frère et c’est un morceau sur les rêves en fait. L’album c’était le meilleur moment pour écrire à mon frère et lui dire de croire en lui, de croire en ses projets et de les vivre à fond.
Après Malik c’est différent parce que c’est une histoire fictive mais qui est remplie de plein de faits réels : j’ai mélangé un fait divers réel qui est arrivé dans mon quartier il y a quelques années avec entre guillemets des faits divers de ma petite vie tu vois. Du coup j’en ai fait une histoire faussement vraie.
Salomé c’était mon premier amour.
Du coup tu as fait un titre avec Lomepal, Alpha Wann et Vald avec Hologram Lo’ à la prod (« Sex, Drug and Rock’N’Roll », comment t’en es venu à collaborer avec eux ?
Je voulais un morceau avec des mecs de ma génération que je trouvais que c’était des putains de rappeurs, des putains de kickeurs avec des rimes techniques, des flows, des punchs, des gros freestyleurs quoi. Vald, Lomepal et Alpha c’est la crème.
Pour ton album « Soleil d’hiver » avec Lo’, t’es venu à collaborer naturellement avec lui ? Tu es aussi ami avec Doum’s, Nekfeu et compagnie puisqu’ils sont dans le clip de « Saleté de rap »…
Sur ce plan là il y a aussi des mecs un peu plus de l’ombre comme Lomepal, les mecs du S-crew et c’était un peu de mettre tous mes potes qui kickent dans le clip. Avec Lo’ ça s’est fait archi naturellement : en fait moi c’était juste après « Mon prisme » et je voulais faire un autre EP et je savais pas trop vers quoi je me dirigeais. De toute façon à chaque projet tu ne peux pas te dire « oui bah là maintenant je vais faire ça », tu commences à réécrire et après ça prend une forme, c’est aussi les rencontres.
On s’était connecté grâce à Lomepal chez un pote qui s’appelait Walter pendant le projet « 22h- 6h » où j’avais un morceau où il y avait Alpha d’ailleurs justement dessus. Lo’ avait fait la prod et du coup je lui avais demandé si il était chaud de me faire des prods pour un projet et il m’a dit « Eh mais moi je kiffe à fond comment tu rappes, je kifferai bien qu’on fasse un petit EP » 400 titres ensemble que j’ai fini par le gratter pour qu’on soit à 9 titres (rires).
Et du coup dans « Rêveur » tu dis « Bleu noir ça me représente », pourquoi ces deux couleurs pour un titre d’album et pourquoi ça te représente ?
En fait c’est un interlude à la fin de « Rêveur », c’est comme un morceau caché. En fait c’est ce que j’explique « Bleu noir ça me représente, c’est la couleur du son que j’aime ». Je ne sais plus exactement les mots que j’utilise mais ça me représente par ma phase un peu mélancolique et mon côté de mec qui vit la nuit. J’aime bien la nuit, je suis un marcheur de nuit.
Moi en fait j’aime bien mettre des couleurs sur les morceaux, sur la musique. Ça s’appelle la synesthésie et je voulais un son assez nocturne, assez sombre, assez froid mais en même temps qui pouvait être chaleureux. Le bleu peut être très nuancé : entre l’espoir, le ciel azur et le début de la nuit. Donc « Bleu noir » ça représentait bien mon univers.
Si on te disait « Georgio est un rappeur français qui sort du lot », comment tu l’expliquerais ?
D’abord je dirais merci (rires). Et peut-être que c’est parce que il y a une ouverture d’esprit différente de ce qui se fait globalement, ou une bienveillance pour les gens.
Quels sont les derniers projets hip hop ou autres qui t’ont plu et que tu écoutes toujours ?
Le dernier truc de rap que j’ai écouté… Attends là j’ai découvert un truc et j’écoute que ça, je sais plus le nom de l’album en allumant mon Spotify. C’est « An awesome wave » genre une énorme vague un peu je crois ? De Alt-J. Je connaissais pas cet album et il m’a retourné.
Et tu écoutes aussi les projets de tes potes ?
J’écoute tous les projets de rap, de SCH à « Caribbean Dandee » de Joey star à Aladin 135, tout. Après j’aime ou j’aime pas mais par curiosté, j’écoute. Je les vois pas comme la concurrence parce que je fais mon truc et tout le monde écoute plein de musique donc c’est faussement concurrentiel. Par love pour le rap et par curiosité, j’écoute tout.
Tu parles beaucoup d’ascension dans ton album, tu voulais faire quoi quand tu étais petit ?
Je voulais être joueur de la NBA. Une fois que j’ai compris que c’était mort je voulais être journaliste sportif, pour commenter les matchs de la NBA. Une fois que j’ai vu qu’il fallait un bac+3, j’ai dit « je ne sais pas trop ce que je vais faire » (rires).
C’est quoi la journée type de Georgio aujourd’hui ?
Oh putain il y en a plein des journées types (rires). Mais là en ce moment une journée intéressante : je vais me lever vers 9/10h, je vais checker mes mails, je vais envoyer des messages à mes potes, je vais essayer d’écrire. En ce moment je vais pas mal en studio, j’enregistre 1 ou 2 titres et je rentre chez moi, je fais ma petite soirée tranquille ou je vois des proches.
En concert sinon, je me lève le matin, je prends le train. Tac j’arrive à la salle de concert, hop on mange on fait les balances, on fait la promo, on va un peu à l’hôtel pour se reposer vite fait, on mange et on fait le concert. Puis on retourne à l’hôtel, le lendemain on va dans une autre ville, on rentre à Paris.
On parlait de ce que tu écoutes en ce moment et tu nous parlais de Joey Starr. Il y a un article qui est sorti il n’y a pas très longtemps qui disait que Joey Starr est le dernier « voyou » du rap français, qu’est-ce que tu en penses ?
Ouais non c’est des conneries, il y a encore des voyous dans le rap. Est-ce que moi je suis un voyou ? Ouais, à ma manière.
Par rapport à la composition de tes titres, comment ça se passe ?
Bah en fait je travaille avec différents beatmakers que ce soit Diabi, Soulchildren ou BBP et après soit je les connais assez bien humainement ou je leur dis « j’aimerai un morceau de telle couleur » ou c’est eux qui m’envoient des prods qui pourraient potentiellement me plaire. C’est surtout du feeling.
Pour mes textes, soit j’écris sur des faces B avant et je recherche des prods de la même couleur ou la même ambiance ou alors ils m’envoient les prods et j’écris dessus parce qu’elles m’inspirent. Il n’y a pas vraiment de règle en fait, ça me vient comme ça.
Dans ton téléphone, c’est avec quel numéro que tu peux le plus te la péter maintenant ?
Ma grand-mère parce que je lui ai fait une chanson !
On a vu que tu aimais bien la littérature et notamment Céline et il a dit « Que fait-on dans la rue, le plus souvent ? On rêve. C’est un des lieux les plus méditatifs de notre époque, c’est notre sanctuaire moderne, la Rue. » t’en penses quoi ?
C’est vrai, souvent tu penses à des phases, tu observes plein de choses. Tu vois des gens, rien qu’à leur manière de marcher ou de s’habiller t’essaies d’imaginer leur vie. C’est pas féérique mais il y a un délire de rêverie quoi, quand tu marches seul. Moi j’aime bien une phrase de Céline où il dit « L’amour c’est l’infini mis à la portée des caniches ».
Interview réalisée par Nauréma Coutenay et Lucie Marc.
Crédits photo : Mesh photography