« Et si une jeune femme était suivie par un drone ? » Voilà la première étincelle qui a fait naître le premier long-métrage du réalisateur Simon Bouisson. Le film sort en salle le 2 octobre prochain et a pour ambition de faire coexister trois concepts : le voyeurisme, le male gaze et les technologies, en l’espace d’une heure et cinquante minutes.
L’univers de Simon Bouisson nous plonge dans notre époque et nous en rapproche. On nous pose là, devant un écran sur lequel évolue un personnage principal, rongé par des paradoxes contemporains. Une étudiante souhaite devenir architecte ; mais les études, ça coûte cher. Alors, elle se fait de l’argent grâce à des cams sex sur internet. Dans la vraie vie, quand elle sort de son appartement perché et lugubre, elle ne parle presque pas, et les dialogues n’aident pas à comprendre ce qui se trame dans sa tête. Les relations sociales sont compliquées quand on peine à s’exprimer librement, et Émilie est entourée de profils plus ou moins toxiques qui ne la sortent pas de son carcan.
Comme la palette de couleurs du film, le jeu de Marion Barbeau est très froid afin de mettre en valeur un ressenti précis : le vide. Un vide causé par des traumatismes passés, suggéré vers le milieu du film. L’image, les décors sont plutôt minimalistes et s’inscrivent dans une modernité urbaine et technologique. Le second rôle est ainsi tenu par un produit humain : un drone.
C’est un thriller, il nous faut donc une poursuite, et pour ceux qui connaissent, Drone fait écho au film Duel de Steven Spielberg (1971). Au lieu d’être poursuivi par un drone, le personnage principal est poursuivi par un camion pendant toute la durée du film. Si vous venez chercher du frisson et de la peur à se cacher les yeux avec un coussin, Drone ne vous en donnera pas. À la place, il propose une tension nourrie par une curiosité de compréhension : qui se cache derrière ce drone ?
Parlons-en, du drone. « Il devient un acteur à part entière », nous précise Marion Barbeau quand on lui demande si jouer avec une machine pilotée par une autre personne est compliqué. « Selon sa vitesse, ses courbes, le drone peut être perçu comme séducteur ou menaçant, c’est cela qui nous permet de comprendre ses intentions, sans besoin de paroles ».
C’est le drone qui lance la trame du film. Il représente l’excitation malsaine de l’inconnu et le male gaze (regard masculin), impression voulue par le réalisateur. Simon Bouisson rappelle, par son cinéma, que notre époque pactise non pas avec le diable mais avec la technologie. « Cet objet, c’est la matérialisation des réseaux sociaux », avant d’ajouter « on passe notre temps à se montrer et à se mettre en scène ».
Le male gaze est un concept énoncé par la réalisatrice et critique de cinéma Laura Mulvey dans un article de 1975. On parle d’un regard dominant dans la pop culture, qui serait systématiquement celui d’un homme hétérosexuel. Ici, ce regard est matérialisé par le drone.
Un autre point positif du film est la bande originale. À base de sonorités électro et de musiques savantes, le film est garni de musiques originales. Pour une des scènes dans l’appartement de Mina, Simon Bouisson nous apprend que « le morceau est joué en direct par l’actrice Eugénie Derouand » (Mina dans le film). Cela ajoute une dimension touchante et hors du temps, caractéristique de la création musicale du film.
Drone n’est peut-être pas le thriller de l’année, mais il permet une mise en perspective des contradictions malsaines de notre monde. Les dernières scènes du film sont libératrices pour le spectateur. Ne vous attendez pas à de l’originalité, notre société connaît déjà ces coupables.