« Gabrielle a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. À une époque où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la dit folle. Ses parents la donnent à José, un ouvrier saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Gabrielle dit ne pas l’aimer, se voit enterrée vivante. Lorsqu’on l’envoie en cure thermale pour soigner ses calculs rénaux, son mal de pierres, un lieutenant blessé dans la guerre d’Indochine, André Sauvage, fait renaître en elle cette urgence d’aimer. Ils fuiront ensemble, elle se le jure, et il semble répondre à son désir. Cette fois on ne lui prendra pas ce qu’elle nomme « la chose principale ». Gabrielle veut aller au bout de son rêve. »

Gabrielle, interprétée par Marion Cotillard dans le film Mal De Pierre de Nicole Garcia, c’est ce personnage qui vit dans un monde qui n’est pas le sien. Elle est incomprise, différente. Elle rêve de l’homme qui comblera sa vie, tout en étant mythomane et vivant avec une profonde solitude. L’ensemble du film tourne autour du personnage (voit-on là une actrice en lice pour le prix d’interprétation féminine?). Dans son ensemble, le scénario du film est très riche et suit cette femme qui fait un flash back sur son histoire alors qu’elle se retrouve devant une mystérieuse adresse, laissant son mari et son fils aller seuls à un concours de piano. Le démarrage du film est long, c’est surtout l’assimilation du flashback qui n’est pas automatique chez le spectateur (bien que cela permette de vivre le passé de Gabrielle comme l’enjeu essentiel).

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Photo du Film © 2016 Les Productions du Trésor – Studiocanal – France 3 Cinéma – Lunanime – Paul

La confrontation des valeurs traditionnelles de la famille avec celle de Gabrielle fait d’elle une personne hors-norme et détestable par son entourage. On la dit folle, c’est pourquoi, afin de s’en débarrasser, sa mère veut ou bien la faire interner, ou bien la faire marier à un maçon. Le fait que Gabrielle ait la maladie de « mal de pierres », qui l’empêche d’avoir des enfants, coïncide incroyablement avec le mépris qu’elle éprouve pour l’étranger avec qui elle vit. C’est finalement pendant une cure en Suisse qu’elle va s’épanouir en rencontrant un autre homme. Entre rêve passionnel et réalité, la manière dont elle s’éprend d’amour ressemble plus à un fantasme qu’elle avait depuis toujours. Il s’agit ici d’un amour à priori impossible (elle est mariée), avec un militaire (issu d’un milieu complètement différent du sien), dans un lieu de rencontre (la cure) absolument improbable. Tous les deux souffrent en silence, la cohésion est donc parfait. Nicole Garcia nous offre une nouvelle vision de la femme autour du personnage de Gabrielle, désemparée d’un contrôle tant espéré sur sa vie. Comme le personnage, le spectateur est transporté dans une perfection d’image qui frôle la dimension du rêve à certains moments. Dommage que la construction du film (avec ses nombreuses analepses) fasse perdre de l’intensité à certains passages.