S’il est des situations où la joie et la tristesse se mêlent si bien, la tournée de séparation d’un groupe en fait définitivement partie. L’euphorie du concert console pour la soirée les fidèles venus voir une dernière fois, les artistes qu’ils ont tous adulés.
Coup de foudre
L’ambiance électrique, la salle qui disjoncte, les coeurs chavirent… On les retrouve donc au Bis2fly pour faire l’ante-pénultième concert avant la fin avec Pierre (chant et guitare), Arthur (saxo, flûte et chant), Thomas (batterie, guitare et chant) et Romain (accordéon et chant).
On peut connaître Les Trois Coups juste parce qu’on a pu en entendre parler, on les a croisés dans la rue ou dans un bar et pour certains, parce qu’ils viennent les voir depuis des années portant sur eux le signe de ralliement du groupe : Le marcel. Et puisqu’il n’est pas de religion sans pèlerins, on voit dans la salle ceux qui se mettent en tenue dès le premier frémissement du thermomètre (et ça arrive très tôt !).
Leur musique s’ancre dans ce que pléthores de lillois ont pu vivre, comme les journées passées à la mer à Zuydcoote ou encore les soirées au Cheval Blanc avec Monique. Quelques blagues aux amis et autres dédicaces à la famille soulignent l’amour partagé entre le groupe et les fans, un amour qui transparaît et fait de l’atmosphère quelque chose de sublime.
Oui, l’ambiance est torride, électrique, à tel point que sur leur dernière chanson « Chauffe », les plombs ont décidé de sauter et c’est donc dans le noir et sans amplis qu’ils continuent à mettre le feu, se mêlant à la sueur de la salle, ils finissent entourés des spectateurs dans une ronde endiablée.
Coup de soleil
Le lendemain, c’est dans la rue, place Rihour, qu’ils se livrent à leur spectacle théâtro-musical, un mélange entre des petites saynètes et des musiques en s’amusant de styles bien différents. C’est dans cette ambiance propre à la rue qu’ils jouent avec des passants interrompant leur séance de badinage.
Si la musique nous transporte et le théâtre nous fait rire, c’est la complicité et l’amusement qui transparaît le plus entre les quatre membres du groupes. Faisant vivre un last marcel tour de toute beauté aux curieux prenant le temps de s’arrêter, ignorant peut-être même la fin approchant. Une tournée d’adieu qui se passe si bien que Pierre avance alors que ça leur donne envie de faire un « come-back en mode Sardou » avec une tournée s’appelant évidemment le « Sardou-tour ».
L’occasion était trop belle pour ne pas poser quelques questions aux musiciens :
Pedromadaire : Qu’est ce que vous affectionnez le plus entre la scène et la rue ?
Romain : J’avoue que j’ai une préférence pour la rue.
Pierre : Moi, j’aime tout, je suis pas difficile. C’est différent dans les sensations et dans ce qu’on reçoit des gens, il y a le côté direct dans la rue où c’est sans filet. Les gens s’arrêtent, s’ils n’ont pas envie de s’arrêter, ils ne s’arrêtent pas. Dès qu’ils s’arrêtent, c’est déjà gagné et puis c’est un peu impromptu dans la journée des gens. Sur scène, il y a une autre démarche, les gens viennent nous voir, parfois ils connaissent les paroles, c’est une autre démarche, c’est d’autres sensations.
Arthur : Moi je préfère les répétitions. (rires) Parce qu’il y a plus de bière. Sinon, tout comme Pierre.
Thomas : Je préfère les grandes scènes parce que ça permet de faire du gros son bien lourd mais j’aime bien la rue aussi.
Pedromadaire : Est ce que vous avez un souvenir en particulier qui vous marque ?
Pierre : Je pense que demain, pour la toute dernière chez Madeleine, ça va être un souvenir marquant.
Romain : Ouais, il y en a un énorme dans la rue, on a eu des gros fous rires et des moments de craquage. Comme disait Pierre, dans la rue, c’est sans filet. Il y a beaucoup de souvenirs, notamment un, quand on fait les méchants et qu’on vient un peu chambouler le public en leur piquant des trucs, un jour on s’est retrouvé avec un sac à main qu’on a vidé entièrement. Dedans il y avait une bonbonne aérosol, un déodorant, alors on a tous levés les aisselles pour s’en mettre mais en fait c’était de l’anti-moustique et ça nous a bien brûlé et on a du coup continué le concert en serrant les dents. Ça c’était énorme.
Thomas : C’est ton meilleur souvenir ? (rires)
Romain : C’est un de mes meilleurs ! Bah allez, parle des Etats-Unis Arthur !
Arthur : On a rencontré, dans la rue, un gars qui organisait un festival et qui nous a dit : « Venez aux Etats-Unis ! J’adore ce que vous faites, j’ai rien compris mais j’ai adoré ! ». On y croyait mais en fait, ça l’a fait et on est allé trois fois là-bas et c’était terrible.
Pierre : Et le Missouri, c’est bien. C’est pas si misérable. Il y a du beau dans la misère.
Romain : Mais c’est beau ce que tu dis !
P : Qu’est ce qui va vous manquer le plus ?
Thomas : Les femmes ! (rires)
Arthur : Le plaisir de kiffer sur scène à quatre…
Romain : Le plaisir de kiffer le bonheur sur scène. (rires)
Arthur : On a des malentendus en dehors de la scène mais dès qu’on est dessus tout se passe bien, et c’est ça qui est beau.
Romain : Tu peux retirer le début de sa phrase. (rires)
Pierre : D’être ensemble et parfois d’avoir des galères pas possibles. Il y a une année, on est allé aux Etats-Unis et on s’y est fait virer parce qu’on avait pas le bon visa mai c’est des histoires où on était à quatre, on l’a surmonté à quatre et on a pleuré à quatre ce jour-là. Ça reste des souvenir forts que ce soit des bons ou des mauvais, c’est à quatre et c’est vrai que ça… ça va manquer.
Romain : Regardez-moi la place Rihour avec les chaises tournées vers notre scène des trois coups. A Lille, il y a une tolérance pour la musique, là on se permet de balancer des confettis, de faire de la musique, que tout le monde soit en terrasse et se retourne : ça c’est quand même très positif et c’est pas partout pareil.
P : Qu’est ce que vous allez faire en projet après les Trois Coups ?
R : Dormir ! (rires) L’idée, c’est quand même de mettre un terme à cette aventure à cet instant T et qu chacun aille puiser de l’énergie des sources d’inspiration dans d’autres projets, chose qu’on a tous les quatre et ça c’est beau. On kiffe jusqu’au bout et on a envie de se lancer dans de nouveaux projets, pour aller voir d’autres choses. Comme quand tu ne connais qu’une femme, et que tu vas voir d’autres femmes pour… Ah non, c’est pas ça. (rires)
Tout ça pour dire qu’on a envie d’explorer un peu ailleurs et ça nous mènera vers d’autres choses, de belles choses. On sera toujours là… (blanc). Ça vous laisse tous perplexes.
P : Je suis resté bloqué sur ton truc avec les femmes. (rires)
P : C’est complètement orchestré votre fin, c’est pour mieux revenir.
P : On a un coach de l’ombre, c’est Michael Jackson. (rires)
R : On est très forts en com’ et ça joue.
P : La question qu’on attendait : pourquoi le marcel ?
P : On a commencé à faire des tournées à vélo, à bicyclette, et (imitant l’accent belge) c’est un vêtement fort agréable à bicyclette, n’est-ce pas.
T : Il nous fallait un uniforme pour pédaler ensemble quand on faisait nos tournées à vélo. Du
coup, on avait notre cycliste noir et on a mis un marcel noir et un moment, on s’est arrêté dans un marché et on avait la flemme de se changer. On était en cycliste et en marcel et on a joué comme ça comme des cons. Enfin, on a rajouté notre pantalon noir parce que c’était notre tenue de scène. Du coup, c’était pantalon et marcel noirs.
R : On s’est dit que c’était pas mal sur ce fameux marché.
T : Populaire…
A : En se renseignant bien, le marcel va plus loin que ça : c’est vraiment un concept puisque ça va à tout le monde, c’est un prénom masculin et féminin, c’est au départ un vêtement ouvrier et qui est passé sur les podiums de la mode dans les années 80, qui se porte en été comme en hiver sous la chemise et qui met un peu tout le monde au même niveau.
R : (en chantant) C’était la minute culturelle !
P : C’est quoi la plus grande distance que vous avez fait à vélo pour aller faire un concert ?
R : Thomas était un bouffeur de bitume mais du coup, nous, on le suivait. On le surnommait « la flèche » sur les pistes. En fait, on faisait des tournée d’un mois à vélo. On a fait Lorient-La Rochelle.
T : En gros, on était parti la première année à trois de Cherbourg et on a fait toute la Bretagne jusqu’à Bayonne.
P : Sur plusieurs années, on a fait toute la côte.
R : Mais l’année où on a le plus pédalé ? La tournée des îles ?
A : On a fait la route des vins aussi. (rires)
R : En tous cas, à Bayonne, on a failli se faire tirer dessus .
T : La plus grande distance ? 500 km en une journée… Allez hop ! (rires)
P : En trois coups de pédales ! (rires)
R : On roulait pas beaucoup… Sauf au Teuch, on est arrivé dans une ville qui s’appelle le Teuch et on avait rien à fumer (rires) et on s’est arrêté parce qu’on avait bien pédalé. Et là il avait des moustique partout alors on a pédalé encore et encore mais de nuit.
P : Vous avez failli vous faire tirer dessus à Bayonne ?
R : On a vu un flingue à Bayonne et on voit rarement des flingues.
T : Un flingue… Il était sur ma tête, oui.
A : Il y a vraiment un mec qui a pété un câble.
P : C’était la fin de la tournée, on faisait du bruit sur une place, enfin du bruit… On chantonnait, on était contents.
R : On chantonnait à 3h du mat’, genre (il prend une voix rauque) « weeeeuuuh ».
P : Il y a un mec qui est sorti avec son pistolet quoi.
R : Mais ça nous a bien calmé.
T : Verdict : Sortez avec vos flingues !
Une rencontre particulière, riche en bonne humeur, en simplicité et en complicité.
Un dernier coup pour la route
Pour finir cette tournée de quatre jours riches en émotions, il fallait être en forme pour pouvoir les voir jouer Chez Madeleine dès 20h30 jusqu’au bout de la nuit. Tant de monde que le bar ne peut accueillir une foule de personnes obligée de rester dehors et d’attendre la sortie du groupe pour des petites chansons à l’extérieur. La fête a continué mais on a senti les quatre membres transis d’émotion après avoir joué la dernière des dernières chansons, ils tournent une page bien écrite de leur histoire avec moult aventures.
Comme les Blaireaux en leur temps, ce groupe manquera au paysage musical lillois. C’est une baissée de rideau pour le groupe qui marque la fin de la pièce, une fin heureuse avec l’espoir de revoir, sait-on jamais, Les Trois Coups sonner.