Autrans, suspends ton vol

Quand on évoque le Vercors, l’on pense à son maquis, son Bleu et évidemment ses montagnes. Cependant depuis 2 ans, le massif peut se targuer d’avoir un festival de musique dans un cadre idyllique et le moins que l’on puisse dire, c’est que la programmation a de quoi faire rêver. Si pendant 5 jours les marmottes ont cessé de siffler, c’est pour laisser leur place à la trentaine de groupes se succédant sur les deux scènes à Autrans.

Quand on demande à Jean-Philippe Brutmann, le programmateur, pourquoi il a réussi à avoir tant d’artistes dans le vent, il nous explique que la force de ce festival est l’effet « Wahou », c’est-à-dire l’effet carte postale. « Quand les artistes arrivent à Autrans, ils ont direct ce paysage. Il y en a même certains qui viennent passer des vacances dans le coin parce que ça leur a plu. ». L’autre force du festival est le réseau Spedidam et c’est sans nul doute pour cela que l’on a pu avoir un programme aussi léché. « Le réseau permet d’avoir un retour d’expérience énorme pour les personnes qui travaillent sur les autres festivals organisés par celui-ci. Ça nous donne une avance considérable pour l’organisation d’un festival qui n’en est qu’à sa troisième édition. »

L’ecclectisme comme credo.

S’il est bien un mot que l’on retiendra tant il a été prononcé, c’est bien l’ecclectisme. Pouvoir faire découvrir des artistes et les faire cohabiter avec d’autres artistes aux multiples influences. C’est une spécificité du réseau mais plus particulièrement du VMF qui comptait cette année encore s’élargir et prendre de plus en plus d’ampleur.

Deux dans l’attente, le concert sous la tente. (crédit photo : Annick Cartigny)

Certainement que ce festival, qui se veut familial, a à coeur de toucher le plus grand nombre. C’est un choix qui est à double tranchant puisque s’il peut, par la force des choses, faire découvrir de nouveaux artistes aux personnes qui ne s’y seraient pas forcément intéressés, il peut aussi plomber une journée avec des artistes trop différents qui peuvent rendre certaines personnes réticentes à s’y rendre.

Néanmoins, ce grand horizon semble pleinement assumé et montre une forte détermination à grandir, au fur et à mesure des années. Ce sera surement une manière de monter en altitude tout en gardant la bonne attitude.

Jour 1 :

C’est à l’heure de la sieste et sous un soleil de plomb que sur la plaine endormie résonnent les balances de Chinese Man. Alors que les personnes venues en avance cherchent le peu d’ombre, histoire d’échapper à la chaleur alpine, les portes s’ouvrent enfin sur la 3e édition du Vercors Music Festival.

Ce sont les groupes Samarabalouf et Cotton Belly’s qui sont chargés d’entamer la première journée. Le premier groupe, plus porté sur la musique du monde, ouvre le bal en douceur avant que le second ne vienne réveiller le peu de spectateurs. Pas facile de jouer à 16h mais les Cotton Belly’s avec un blues aux diverses influences parviennent à enjouer la foule.

« Moi, j’aime bien avoir plein d’influences (jazz manouche, country…).En tant que musicien, on s’ennuie à jouer un peu la même chose. Donc on varie les plaisirs. Du blues, on a gardé les accords, l’harmonica, la guitar slide mais nos compositions sont plus actuelles » assure Yann, chanteur des Cotton Belly’s.

Si la canicule fait peu à peu place à une douceur du soir, ce n’est que partie remise tant la soirée s’annonce bouilante avec un crescendo de bonne augure.

Barbagallo, batteur et chanteur, commence cette soirée sur la scène extérieure avec des chansons empreintes de douceur. Puis c’est au tour de Radio Elvis avec leur rock poétique de venir chauffer le public qui commence à se faire de plus en plus nombreux.

Pourtant, c’est bien Chill Bump qui a su le mieux réchauffer l’ambiance et a même fait passer, pendant une heure, le soleil battant de la journée pour une simple éclaircie d’automne. Et Chinese Man en prennent la mesure, en venant écouter leurs protégés de Chinese Man Records avant de retourner se préparer. Le groupe,

Quintana, le performeur

bien servi par l’ambiance électrique, n’a pas eu de mal à garder un tel engouement tant le public a été réactif à ce spectacle. Grâce à un show visuel et musical, ils transcendent les spectateurs et parachèvent de manière idéale une première journée déjà bien riche.

Jour 2 :

Encore une fois, se frotter à l’horaire de l’après-midi n’est pas une sinécure et c’est quintana dead blues experience qui en fait les frais ce vendredi. Mis à part quelques badauds intrigués et une poignée de fans, la foule n’afflue pas en ce milieu d’après-midi. Cependant Quintana, seul sur scène avec des beats balancés sur une vieille MC 909 et sa guitare électrique à la disto bien saturée, n’est pas refroidi et en profite pour se balader hors de scène, frotter les cordes de sa guitare contre la rambarde de sécurité puis la lancer violemment avant de monter dessus. Une entreprise qui ne fait pas sourciller outre mesure le public encore soucieux de son sommeil postprandial. Il y a même une personne agée qui ne décolle pas les yeux de son tricot.

Il est sans nul doute plus en accord avec le deuxième groupe de la journée, puisque Te Beiyo dans un folk plein de douceur plus en adéquation avec l’ambiance générale. Et il n’est pas impossible d’y avoir aperçu quelques vieux dodelinant de la tête. C’est vous dire !

Quant à la soirée, elle s’annonçait folle et n’a pas menti sur son contenu. Elle s’est lancée à 19h avec un pur produit creusois, Gauvain Sers, qui avec dans son bagage, une guitare, une voix et un musicien a parfaitement saisi un public bercé par ses mélodies.

Il n’était pas étonnant de croiser des personnes de tous âges puisque l’infatigable Catherine Ringer assurait la suite. Du haut de la grande scène et dans une énergie débordante, elle a pu chanter son nouveau répertoire. Mais ne nous y trompons pas, c’est bien quand elle a entonné Marcia Baila ou encore Andy qu’elle a fait grimper le thermomètre.

En parlant température, Rocky n’a pas fait descendre le mercure et a pu faire danser les spectateurs pendant une heure. Comme le dit si bien Inès, la chanteuse du groupe :

« Autant, il y avait pas de brief dans la création, autant on a toujours su que l’on voulait faire quelque chose de dansant. »

Un couple et leur enfant devant Fakear

Changement de scène et changement d’ambiance avec le retour de Morcheeba et leur nouveau projet musical « SkyelRoss », dans un spectacle rondemement mené pour la plus grande joie du public transporté dans leur univers.

Jour 3 :

Le dimanche marque la journée qui enregistre moins d’entrées du festival. Il faisait un peu moins chaud, les gens étaient peut-être moins motivés, bref il y a eu un peu moins de monde. Pourtant avec une ouverture de No Money Kids, deux types sur scène, accompagnement électro, deux guitares pour un resultat blues/rock pas déplaisant. Mais ce sont bien The Pirouettes qui étaient les plus attendus des l’après-midi, grâce à leur musique

électro simple et efficace, ils mettent une ambiance que ton tonton cool qualifierait de « sympatoche » même si le point noir de leur concert réside toujours dans le fait qu’ils ont l’air de s’ennuyer sur scène ce qui n’a pas l’air de déranger les fans conquis.

Les membres de Catfish, revenus tout droit d’Amerique du Sud, entament donc la soirée en commençant par du rock indé teinté de folk assez cool et qui tape dans le mille. Ils le décrivent eux-même comme « crassieux et classieux ». De quoi bien démarrer donc.

Quand arrive le tour de Clément Bazin de s’illustrer, avant même de monter sur scène, on détecte son univers caribéen à base de lumières solaires et de Steeldrums et il faut dire que le voyage fait partie intégrante de sa musique. Pendant un temps, on a quitté la montagne ou plutôt la mer s’y est invité ce qui a parfaitement lancé le clou de la soirée : Fakear. Le musicien que l’on ne présente plus, avec sa musique électro douce, nous apprend que le « chill » se pratique même en famille.

Djazzia Satour à la fin de son concert improvisé

Jour 4 :

Ce jour signait, pour moi, l’apothéose de ce festival, celui qui pouvait faire oublier tous les autres, celui dont la programmation attendait des installations spéciales (un plateau France Bleu Isère installé dans l’espace presse). Et pourtant, il révélait encore beaucoup de surprises. A commencer par la toute jeune Leïla Huissoud qui est une vraie révélation. Epoustouflante dès son entrée grâce à une mise en scène et un humour grinçant contrastant totalement avec son apparence juvénile. Ça ressemble parfois à du GiedRé et pourtant quand on lui demande si c’est une inspiration, elle répond :

« Je suis assez admirative de côté un peu barré mais honnêtement, […] je pense pas du tout être un personnage, en fait. Je sui assez fan du vulgaire qui sert un vrai fond, à la Brassens.  »

La journée n’en a pas fini avec son electricité dans l’air, tant et si bien que l’orage menaçant force l’organisation à

interrompre le concert de Djazia Satour. Cependant, elle le continuera en accoustique dans le gymnase attenant dans lequel étaient réunis tous les festivaliers pour un moment atypique, magique et inoubliable.

Si l’on a aimé l’après-midi, on a succombé pour la soirée qui s’ouvraient avec les parisiens des Yeux d’la tête, musique enivrante à base de musique balkane et de chanson française. Ils mettent le feu à la scène extérieure avec une joie de vivre, un plaisir contagieux et font dansr le balkan boogie à toute l’assemblée. Un délice !

Les Yeux d’la Tête méritent d’être vus

Et la soirée de ne plus en finir de nous ravir avec Matmatah, qui avait signé son grand retour l’année dernière. Gare à la fièvre qui entraîne la grande scène du soir et qui transporte une foule se muant, au son de Lambé, en une masse pogotant devant le groupe breton.

Tristan Nihouarn, le chanteur de Matmatah

Dans la nuit déjà épaisse, ce sont trois sœurs yéménites qui amènent un rayon de soleil, une éclaircie grâce à leurs trois voix et leur musique engagée, ce qui a de quoi placer le public dans un halo de douceur. Pourtant, le summum de la journée reste encore à venir et n’est certainement pas étranger au fait que ce soit celle-ci à laquelle on ait vu le plus de monde. Parce que c’est bien Tryo qui ferme la marche avec un spectacle de deux heures qui transcende la foule. S’ils se plaisent à jouer leur nouvel album « vent debout », ce sont bien les anciennes chansons qui résonnent le plus fort dans un chapiteau survolté et entonnant en coeur les classiques du groupe de reggae.

 

Un final qui sublime ce lundi qui ne fut pas au soleil mais qui nous a fait passer la tête dans les nuages.

Jour 5 :

Deux retours sont à signaler pour ouvrir ce dernier jour, le soleil et Quintana dead blues experience, à croire que l’un ne va pas sans l’autre. Dans un style plus calme, Julianne Joe navigue entre le folk, le rock, le blues, le funk…

Tim Dup

Et il n’est pas rare de voir des personnes allongées dans l’herbe profitant d’une ambiance idéale pour s’accorder quinze ou vingt minutes voire une heure pour se reposer lors de cette journée s’annonçant très calme et douce.

En parlant de douceur, c’est la voix et le piano Tim Dup qui viennent nous accompagner pour nous livrer un univers empreint de volupté entre chant et rap très doux.

C’est dans la poésie et les compositions oniriques de Frànçois and the Atlas mountains que se continue la soirée glissant sur un tapis recouvert de notes, devant une salle très peu remplie et qui ne captive malheureusement pas les festivaliers.

On parle de voyage et justement, le penultième groupe du festival nous emmène faire un large tour d’horizon du Congo en commençant par Kinshasa. Jupiter, le chanteur et son groupe, Okwess arrivent à nous faire passer une énergie positive avec une rapidité et une facilité déconcertantes, même ceux qui rechignent d’habitude à hocher de la tête. Le groupe nous porte en transe et la danse s’empare de nous sans crier gare et l’ambiance phénoménale qui en résulte se poursuit même après le concert tant les sonorités nous restent en tête.

Jupiter nous emmène sur sa planète

En clôture de ce festival, c’est Camille qui s’y colle avec une mise en scène époustouflante et si la musique fait un peu retomber l’ambiance amenée jusqu’ici, elle emmène bien les dernières personnes présentes dans son monde.

La tristesse de la fin d’un festival est semblable à une larme vite effacée par l’espoir impérieux de le voir resurgir l’année prochaine et ce sera sans nul doute le cas pour le VMF qui réserve, pour les années à venir, bien des surprises.

Crédit photo : Hélène SAVIO

Pour finir un petit pêle-mêle de photos du festival :