Après une première édition remarquée en 2019, la Check In Party, festival des Musiques Indépendantes, a réinvesti l’aérodrome de Guéret les 19 et 20 août.
Malgré un été ensoleillé, voire parfois caniculaire, la pluie menace la Check In Party. Mais il en faut plus pour décourager les festivaliers, venus en nombre profiter d’une programmation alléchante.
En deux jours, ce sont 10 000 personnes qui viendront fouler le tarmac de l’aérodrome. Une réussite pour les organisateurs qui n’en attendaient pas autant.
Alors que les navettes font l’aller-retour entre la gare de Guéret et le site du festival et que le parking se remplit progressivement, les tentes se multiplient dans le camping du festival. Les campeurs festivaliers, déterminés, affrontent le vent mais s’installent sous le soleil, quand il daigne se montrer.
Côté musique, la fête a déjà commencé. Nous sommes vendredi, et même si le festival n’ouvre ses portes qu’à 16 heures, des instruments et des voix se font déjà entendre. Sur le tarmac, déambule le Green Line Marching Band. Composé de neuf sacrés gaillards, aux costumes changeant selon l’heure de la journée, le groupe fait dans la reprise de classiques du rock international et chauffe le public. De quoi se mettre en jambes avant d’attaquer les concerts du soir.
Après avoir assisté à la fin du concert de La Jungle sur la Wall of Sound, direction la scène Air Force One pour le concert de Last Train. Malheureusement, les premières turbulences se font ressentir et la pluie s’abat sur le public, sans savoir ce qui nous attendra plus tard dans la soirée. Sur scène, le groupe alsacien donne de la voix et du corps.
Petite pause repas dans l’un des nombreux food trucks du festival, et Shame débarque sur scène. Le groupe britannique de rock alternatif est une tempête qui emporte tout sur son passage. Leur énergie est débordante, devant un public conquis et en liesse. Les slams s’enchaînent, et la nuit ne fait que commencer.
À 21h10, le duo Mansfield TYA fait son entrée sur la Air Force Stage. Rebeka Warrior, déjà connue pour différents projets musicaux comme Sexy Sushi ou Kompromat, a créé Mansfield TYA avec Carla Pallone, rencontrée en 2002. Après un premier album sorti en 2005, le duo a fait son grand retour en février 2021 avec Monument Ordinaire, une réussite. Sur scène, on regrette que Carla Pallone s’efface derrière la forte personnalité de Rebeka Warrior.
22 heures sonne l’heure d’arrivée d’une des têtes d’affiche et plus grosse attente des festivaliers, à savoir le groupe de post-punk irlandais Fontaines D.C.
Très attendu, le groupe post-punk formé à Dublin s’est présenté avec une mise en scène bien roadée, un grand panneau au nom du groupe qui s’illumine de différentes couleurs avec la police qui va bien. En fond de scène, un mur de projecteurs et des roses. Classe. Le show s’ouvre avec le premier titre de l’album, « In ár gCroíthe go deo », interprété en ancien irlandais.
Alternant entre les chansons du dernier album et des deux premiers, le concert est bien rythmé et laisse le public se faire porter par la voix de Grian Chatten. Toutefois, le groupe n’est pas très investi dans ce moment de partage. Il fait le show, bien, mais sans plus. Les membres du groupe restent à leur place, lésinant avec la communication, y compris entre eux. Les poètes restent à leur place. On aurait aimé un peu plus d’investissement, mais on peut comprendre l’épuisement du boysband avec sa tournée gigantesque de concerts cet été. Mention spéciale pour l’interprétation de « Televised Mind » et le final avec la ballade qui monte crescendo « I love you ».
La pluie rejoint la programmation
Initialement, le groupe de rock King Gizzard and the Lizard Wizard devait succéder à Fontaines D.C. sur la scène Wall of Sound. Malheureusement, Stu Mackenzie, chanteur et guitariste du groupe, a dû faire face à un grave problème de santé. Une annulation survenue à deux semaines du festival. Mais qui pour remplacer la tête d’affiche de cette seconde édition de Check-In-Party ? The Libertines, le mythique groupe de punk rock britannique, formé en 1997 par Carl Barât et Pete Doherty. Rien que ça. Dès leurs premiers pas sur scène, le public est chauffé à blanc. C’est un plaisir de retrouver Pete Doherty, à la réputation sulfureuse, lui qui peinait, il y a encore quelques années, à achever un concert. Alors que le concert bat son plein et que le public est ravi, la pluie vient quelque peu gâcher la fête. Loin des quelques gouttes éparses qui tombaient lors du concert de Last Train, ce sont des trombes d’eau qui ont commencé à s’abattre sur le festival pendant 15-20 minutes. De quoi tremper le sol, les festivaliers, et les tentes. Nombreux sont celles et ceux à quitter la fosse à la recherche d’un abri. Au camping, c’est le branle-bas de combat. Les campeurs épongent leurs tentes et se mettent aux abris.
Mais une fois l’averse passée, la soirée et la fête continuent avec Lucie Antunes, accompagnée de ses musiciens, qui s’avère être une excellente découverte.
Ce sont French 79, projet musical solo d’électro de Simon Henner, guitariste du groupe Nasser et de Kid Francescoli, et Dombrance, qui clôturent cette première journée du festival.
Pour la journée du samedi, le soleil se fait la part belle dans le soleil guérétois. C’est donc sous les rayons de soleil de fin d’après-midi que le groupe de rock psychédélique Los Bitchos a joué sur la Wall of Sound. La sortie remarquée de leur premier album en février 2022, Let The Festivities Begin!, a propulsé les quatre musiciennes sur le devant de la scène internationale.
Pour son passage à la Check In Party, l’auteur-compositeur-interprète français H-Burns était accompagné du Stranger Quartet. Une heure durant, le groupe a alterné compositions personnelles et reprises, revisitées, de Léonard Cohen. Une véritable déclaration d’amour au génie américain qui ne pouvait que ravir le public.
Kevin Morby, fenêtre sur une Amérique nostalgique
Valeur sûre du rock indé américain, Kevin Morby est sans doute l’une des plus belles têtes d’affiche de la seconde journée du festival. En ouvrant son concert avec le titre « This is a photograph », entouré de roses éparpillées sur la scène, le chanteur offre un ton folk au festival, toujours dans la maîtrise. C’est bien son dernier album, au titre éponyme, paru en mai dernier, qui est mis à l’honneur. Accompagné d’une choriste, Kevin Morby offre une prestation très calibrée tout en offrant un maximum d’émotions, comme avec « A Random Act of Kindness ». L’énergie monte au fur et à mesure des chansons, les accords plaqués au piano viennent rythmer les airs de guitares plus mélodiques les uns que les autres. Chouette ballade. L’artiste termine avec l’interprétation de ses classiques : « I Have Been to the Mountain », « Parade » et évidemment « Harlem River », tout en durée, pour le grand final. L’artiste lance enfin des roses sur les spectateurs, alors que le soleil se prépare à se coucher. C’est déjà fini ?
Dans un autre registre, la prestation de Working Men’s Club sur Air Force One est pour le moins… déconcertante. Aucun des membres n’a l’air réellement heureux d’être sur scène, et personne n’adresse un seul mot au public durant leur prestation, mis à part un vague merci, parfois soupiré une fois un morceau terminé. Alors que les précédents groupes faisaient davantage corps, se dégage une certaine animosité entre les membres, qui, si ça se trouve, n’existe même pas. Quelle étrange expérience pour un groupe dont la musique n’est pourtant pas désagréable. En discutant avec certains spectateurs, ils nous expliqueront qu’il ne faut surtout pas être étonné, que c’est dans leur tempérament et propre à la tendance musicale à laquelle ils appartiennent.
Avec The Limiñanas, le public a droit à une expérience de rock sensorielle, transporté entre les images de films, d’animations et d’archives qui défilent sur le fond de scène. Le duo aussi rock que psychédélique nous offre une prestation impeccable, appréciable pour son mixage son hyper immersif ponctué des excellents titres comme « Dimanche » qui attirait les oreilles de tous les curieux !
Feu ! Chatterton, décollage spécial
Véritables bêtes de scène, Feu ! Chatterton sont la tête d’affiche idéale pour faire décoller un festival, qui plus est, lorsqu’il est installé sur un tarmac. Familial, déjanté et transpirant, le concert marque le point d’orgue du festival pour son ambiance. La recette est simple et elle marche, auprès des plus jeunes comme des grands. En commençant par le titre « Compagnons », le groupe donne le ton de l’union et du bon temps : « Les gens ne viennent pas au concert pour entendre hurler à la mort. » Ce réarrangement du poème « Le concert n’a pas été réussi » de Jacques Prévert fait son effet.
« Guéret, est-ce que vous êtes prêts à décoller ? »
« Guéret, est-ce que vous êtes prêts à décoller ? » questionne le chanteur Arthur Teboul avant de livrer toute son énergie dans un « Boeing » exceptionnel. La métaphore du décollage sur l’aérodrome Guéret où se situe le festival est assumée. Les titres « Écran Total » et « Monde Nouveau » font ensuite chavirer le public dans cette grande fête où ne badine pas avec le plaisir. Sur ce dernier titre, un fabuleux karaoké se met en place en répétant « un monde nouveau » en boucle, jusqu’à l’explosion d’un refrain bien mérité, avec le chanteur qui slame sur la foule, comme à son habitude. « La Malinche » clôture la messe colorée avant que le Palais d’Argile ne disparaisse.
Cette seconde édition de la Check In Party fut globalement une réussite, malgré la pluie venue gâcher la fête le vendredi. Si l’on devait faire un reproche à l’organisation, ce serait sans doute celui de la durée et de l’enchaînement des concerts. En effet, certains artistes se produisent seulement une demi-heure sur scène, de quoi laisser un goût de trop peu au public. Heureusement que les deux principales scènes ne sont pas loin, car le battement de 15 minutes entre chaque prestation laisse peu de temps de répit.
Aérer un peu la programmation serait l’idéal. Nous avons en deux jours une programmation qui pourrait tenir sur trois. Toutefois, quel bonheur de voir de tels artistes programmés ! C’est avec plaisir que nous suivrons le futur de la Check In Party et que nous prendrons, peut-être, le vol pour la troisième édition du festival.