Après avoir été co-auteur de films et séries tels que Vermines, Jack Mimoun, Bloqués ou La Flamme, Florent Bernard, ou FloBer, fait ses premiers pas au cinéma en tant que réalisateur avec Nous, les Leroy. Ce road-movie familial en terres bourguignonnes sort en salle le 10 avril.

Tu es le créateur du Floodcast, un des podcasts les plus écoutés de France. Nous, les Leroy y fait référence à plusieurs reprises par l’intermédiaire de blagues, comme celle du GPS, que les fans comprendront directement. Y as-tu pensé pendant l’écriture ? Car il y a un véritable enjeu en devant concilier cette base solide d’auditeurs et des spectateurs qui découvriront ton travail.

Pendant l’écriture, j’ai essayé de ne pas y penser. J’ai souhaité raconter mon histoire comme je le souhaitais. J’ai fait une dizaine de versions de mon scénario, et c’est dans les dernières que j’ai essayé de caler quelques références qui feront rire ceux qui suivent mon travail. Je voulais être sûr qu’il y ait un petit truc entre ces spectateurs et moi. Je suis fan de certains réalisateurs qui créent ça, comme chez Quentin Tarantino, où la marque de cigarettes est toujours la même.

Mais fatalement, j’ai envie que le film plaise aux auditeurs, mais en allant plus loin que les références précises au Floodcast. Depuis 10 ans, dans le podcast, on partage notre vision de la vie, en décrivant régulièrement la France que je dépeins dans le film. J’ai voulu être sincère et généreux.

As-tu directement souhaité planter le décor de ton film dans la région dans laquelle tu as grandi ?

Le film se déroule en Bourgogne, où j’ai grandi, mais on retrouve les mêmes choses dans de nombreuses autres zones géographiques françaises. À l’origine, je ne souhaitais pas dire où se déroulait l’action du film afin que ça touche tout le monde. Après discussions avec les producteurs, nous nous sommes rendus compte que ça nous manquait de ne pas le dire. Finalement, en situant l’action, ça n’empêche pas l’identification.

Les zones commerçantes, comme on en voit dans le film, sont des zones où je trainais étant enfant, et ce sont des endroits très cinématographiques.

Outre le décor du film, il est également possible de se reconnaître dans la famille Leroy. D’où t’est venue cette envie de raconter l’histoire d’une telle famille, et le scénario est-il nourri de ton histoire ?

Le speech du film, à savoir une famille qui réalise un road-trip dans les lieux qui ont marqué sa vie, est quelque chose que je pourrais tout à fait faire car je suis quelqu’un de très nostalgique. Je suis un grand fan de road-movie. La famille est cabossée, et je souhaitais réellement traiter le sujet du manque de communication entre les membres de la famille. D’un côté les enfants souhaitent partir, de l’autre les parents ont peur de se retrouver seuls. 

Si je traite cette histoire, c’est également parce que j’avais une petite frustration en tant que cinéphile et en tant qu’amateur de road-movie familiaux. Les enfants sont souvent des seconds rôles. Quand j’étais ado, il m’arrivait de ne pas me sentir représenté, avec des personnages principaux constamment plus âgés que moi. Un cinéaste comme Xavier Dolan parvient à mettre tous ses personnages au même niveau.

J’ai beaucoup puisé dans mon histoire familiale par souci de sincérité et de crédibilité. Nous, les Leroy est une fiction, mais j’ai su écrire mes personnages grâce à mon vécu, en me demandant comment aurait pu réagir mon frère, mon père ou ma mère dans certaines situations. Les meilleures comédies sont celles sincères et généreuses.

Cette réflexion questionne ainsi le choix d’incarnation des différents personnages. Comment as-tu composé le casting du film ? Que ce soit les parents, interprétés par Charlotte Gainsbourg et José Garcia, ou les enfants, interprétés par Lily Aubry et Hadrien Heaulmé. 

Quand j’ai pitché le film à mes producteurs, je n’avais aucune idée de l’actrice qui pouvait incarner Sandrine Leroy. Je leur ai même dit “Il faudrait une actrice genre Charlotte Gainsbourg” car pour moi, elle était inatteignable. Elle a joué pour de grandes plumes de la comédie française. Quand je lui ai proposé le projet, elle m’a dit qu’elle trouvait le personnage peu intéressant. Je n’ai pas mal pris son refus, mais je pensais avoir écrit un bon personnage. J’ai alors retravaillé le script en adoptant davantage le point de vue de la mère. Je lui ai renvoyé le scénario, et elle m’a répondu être intéressée.

José Garcia, quant à lui, était mon premier choix, mais il n’était alors pas disponible pour tourner. Il n’a donc pas pris le temps de lire le scénario. Je me suis alors tourné vers un autre acteur, des lectures avec Charlotte Gainsbourg ont été organisées, mais il nous a lâché, ce qui est monnaie courante dans le cinéma. Parallèlement, José est à nouveau disponible. Je lui envoie le scénario un matin, et il me rappelle le soir en me disant qu’il est partant et qu’il a très envie de le faire, avec une vraie affection pour le personnage.

Pour les enfants, on a réalisé un casting, et je salue le travail de Tatiana Vialle. J’ai vu de nombreux jeunes, plusieurs m’ont tapé dans l’œil, et j’ai réalisé des essais avec Lily et Hadrien, qui se sont avérés très convaincants. Ce sont de supers acteurs, et je leur prédis une longue carrière.

Une autre présence remarquée dans le film est celle de Luis Rego, incontournable membre des Charlots. Qu’est ce qu’il représente pour toi, et pourquoi lui ?

J’avais à cœur de mettre à l’honneur plusieurs générations d’actrices et d’acteurs que j’apprécie. Luis Rego est une idée de Tatiana Vialle. Le tournage avec l’acteur que j’avais initialement en tête aurait été trop compliqué. Quand Tatiana me le propose, je trouve ça évident. Quand je le rencontre, je suis sous le charme. Il est très drôle, il a de la répartie, et il n’hésite pas à me vanner. Je suis honoré qu’il soit dans mon film. Quand je pense à lui, je pense au film Les Bronzés, que je regardais tout le temps avec mes parents, ainsi que Le Tribunal des flagrants délires. Il a même réalisé un film, Poule et Frites. Et puis physiquement, Luis et José, ça fonctionne.

« Le cinéma m’a beaucoup aidé dans la vie, c’était un des seuls plaisirs que je partageais avec mon père. »

Outre le road-movie, Nous, les Leroy prend également une dimension du film à sketchs, avec des situations définies par les seconds rôles que la famille rencontre. Était-ce voulu ?

Plus que le film à sketchs, j’aime le fait qu’à la fin du film, le spectateur se rappelle de scènes précises du film, ce qui est un peu le cas dans le cinéma américain, notamment avec des comédies comme Mary à tout prix. Dans le cinéma français, Philippe Lacheau y arrive très bien.

J’aime qu’on parle de scènes une fois le film terminé, et j’aime que les comédiens soient bien servis. Je souhaite que leur rôle soit défini, avec un nom et une personnalité. J’avais assez confiance en mon histoire principale pour me permettre de créer des situations comiques avec des personnages auxquels la famille se confronte. La situation créée par le personnage d’Adrien Ménielle est drôle, par exemple, tout comme celle créée par le personnage de Jérôme Niel. Les actrices et acteurs du film sont des amis, mais surtout des personnes qui me font mourir de rire et qu’on ne voit pas assez au cinéma. Je souhaitais qu’ils viennent avec leur clown et leur talent, en leur donnant de la matière pour jouer. 

D’ailleurs, le personnage teigneux de Jérôme Niel ressemble un peu à celui qu’il interprète dans Vermines, réalisé par Sébastien Vaniček, et que tu as co-écrit.

C’est un hasard car au départ, ce n’est pas Jérôme Niel qui devait interpréter ce personnage dans Nous, les Leroy. La scène était donc radicalement différente. J’ai donc réécrit, en sachant qu’il me fallait quelqu’un de violent, mais drôle. Je ne voulais pas de Jérôme car ça me faisait trop penser aux Tutos et je pensais qu’il n’accepterait pas. Enfin, dans Vermines, il est beaucoup plus bête.

Nous, les Leroy est donc ton premier film de cinéma en tant que réalisateur. Y a-t-il eu une différence entre la théorie, et tout ce que tu as pu apprendre et faire par le passé, et la pratique, une fois sur le plateau ?

Ce n’est pas le tournage qui a été compliqué. La phase la plus éprouvante a été celle de monter le financement du film et de le préparer jusqu’au premier jour du tournage. Chaque choix a un impact financier. Chaque décision est réfléchie afin de réduire les coûts. Je suis issu d’internet, où j’étais habitué à faire avec les moyens du bord, ce qui m’a énormément servi sur le tournage.

Le tournage en lui-même s’est quand à lui extrêmement bien passé. Julien Hirsch a parfaitement épousé ma manière de faire. Il travaille rapidement et efficacement, avec une équipe incroyable. Je suis fan de son travail et son expérience était importante pour moi, notamment sur des premiers films comme La vraie famille, réalisé par Fabien Gorgeart. Quand je souhaitais refaire une prise, je demandais à l’équipe et aux acteurs s’ils étaient d’accord. Pour le montage, j’ai fait appel à Quentin Eiden, avec qui je travaillais déjà sur internet. J’ai donc été extrêmement bien accompagné. Hormis Ma femme est une actrice, réalisé par son compagnon Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg n’avait jamais fait de premier film. C’est une énorme marque de confiance.

As-tu appréhendé de passer du format court au long, sachant que tu étais habitué au format court, voire très court, chez Golden Moustache ?

Je fais partie de la première génération à avoir fait des courts-métrages sur internet. Mon rêve a toujours été de réaliser un long-métrage. J’aime regarder des films, je suis à quasiment un film par jour. Le cinéma m’a beaucoup aidé dans la vie, c’était un des seuls plaisirs que je partageais avec mon père. J’ai toujours écouté les commentaires audio des films, j’ai beaucoup regardé de making-of. Ce qui se passe derrière la caméra m’a toujours intéressé. Avant de réaliser ce film, j’avais l’impression d’avoir beaucoup révisé, comme avant un contrôle à l’école. Je n’ai donc pas appréhendé le passage au long, j’étais surtout très excité. Cependant, je ne peux pas dire que je n’ai pas appréhendé ma première rencontre avec Charlotte Gainsbourg, et finalement, c’est plus simple et plus humain que ce à quoi l’on s’attend. Enfin, je travaille avec la plupart des acteurs depuis 10 ans ou plus. Peut-être que j’aurais appréhendé le tournage différemment si j’avais été uniquement avec Charlotte Gainsbourg et José Garcia.

Le prix du Festival de l’Alpe d’Huez t’a-t-il donné confiance pour la sortie du film ?

Au contraire, ça ajoute un stress supplémentaire ! Gagner le grand prix a fait que les projecteurs ont été mis sur un film, le mien, que les spectateurs n’attendaient pas forcément. Mais gagner m’a tout de même beaucoup touché car le jury était composé de personnalités du cinéma que j’aime beaucoup. Je sais que des gens viendront voir le film car il a gagné un prix, donc il y a une petite appréhension de ce côté là.